Ruines Josef Koudelka odyssée panoramique

Ruines Josef Koudelka odyssée panoramique. La BnF présente une exposition de 110 clichés de sites archéologiques méditerranéens. Une oeuvre d’une beauté stupéfiante qui interroge le temps, la condition humaine et la nature. Vous ne regarderez jamais plus les ruines comment avant !

Josef Koudelka a consacré 30 ans de sa vie à sillonner les sites archéologiques. Environ 200 pour la plupart en Méditerranée, berceau de notre culture (1). Il en a tiré une oeuvre, essentiellement en argentique, qui regroupe des milliers de clichés issus de 20 pays. La BnF en a acquis 110 qu’elle expose sous le titre « Ruines ».

À 82 ans, le dernier géant de la photographie moderne, ami d’Henri Cartier-Bresson, est fatigué. Un peu. Alors il ne donne pas d’interviews. Peut-être pas pudeur aussi. Josef Koudelka ne maîtrise pas parfaitement le français. Connu pour sa « couverture » de l’invasion de Prague par les chars soviétiques en 1968, il fuit ensuite le pays pour des raisons politiques et pour construire sa carrière de photographe. Longtemps apatride, il réside à Londres et n’acquiert la nationalité française qu’en 1987.

Travail sur l’intime

Pas d’interview, pas de mots. Alors place au ressenti, à l’intime. On flâne et on se laisse imprégner par les images. Doucement on glisse dans un entre-deux- monde porté par une scénographie qui travaille le corps comme le regard. On se confronte aux grands formats suspendus, comme en apesanteur, au milieu de la salle. On se penche, on vacille presque, sur les tirages exposés tels des bas reliefs. On colle le regard sur les photos qui veillent sur les murs comme des vigiles d’un autre temps.

Des ruines qui happent comme le gouffre de l’enfer

Les noirs des portes de Petra happent comme les bouches de l’enfer.
D’autres ressemblent à des collages. Erreur. Josef Koudelka joue du trompe l’oeil. Il prend sa photo à l’intérieur d’une ruine caverne dont les parois se découpent sur un noir aux profondeurs abyssales.
« Le noir et blanc donne à la ruine une dimension ambivalente à la fois fragile et résistante » estime Héloïse Conésa, la commissaire de l’exposition. « D’autre part il assure une cohérence formelle à l’oeuvre qui comprend des tirages en argentique des années 90 et d’autres plus récents en numérique« .
La maîtrise du noir et blanc est telle que parfois sous cette bipolarité on devine la couleur d’un tronçon de colonne, d’un arbre, d’une tunique de statue.

Une oeuvre minérale, graphique proche de l’art abstrait

Autre motto du photographe : le panoramique. Josef Koudelka utilise le panoramique détourné et souvent « chaviré » pour faire vivre une expérience du paysage. C’est sa signature. « La carottage recentre sur l’essentiel, les fragments s’opposent à une perception englobante, les prises de vues a fleur de sol génèrent une vision organique de la nature » poursuit Héloîse Conésa qui parle « d’odyssée panoramique« .
De Mycènes (Grèce) à Thugga (Tunisie) en passant par Alzanoi (Turquie), l’errance de Koudelka célèbre la minéralité. Ces paysages graphiques frôlent l’art abstrait. En rupture, l’étrange photo d’Amman (Jordanie) où trois doigts de pierre semblent agripper la ruine évoque les facéties surréalistes.

Photographier le silence, faire parler la nature

Les pierres luisantes d’eau, la mer en arrière plan, la végétation qui s’insinue partout, des paysages de Koudelka s’échappent des bruits de pluie, de vagues, d’insectes. S’il photographie le silence du temps, l’amoureux de Mare nostrum fait parler la nature.

« Les bruissements sont ceux des ravages de la destruction. Les ruines ne sont ni intemporelles, ni romantiques, ni consolatrices » souligne Héloïse Conésa. Et le silence ? « C’est le silence après la tempête. Il y a quelque chose qui relève du désordre, L’image floue de l’ambiguïté du chaos« .

Si dans les ruines la nature reprend ses droits, affleure et triomphe entre les pavés et les colonnades, que disent les paysages de la condition humaine « Ils parlent de sa fragilité  » décode Héloïse Conésa « Ils mettent l’homme en garde contre sa bêtise. Ils disent aussi l’espoir par l’art. Des décombres sort l’espérance« .

Léonore Cottrant

(1) N’oublions pas pour autant notre culture Celte et Nordique.

Ruines Josef Koudelka odyssée panoramique

Ruines
Exposition Josef Koudelka
BnF (Bibliothèque nationale de France)
Quai François Mauriac 75013 Paris
15 septembre – 16 décembre 2020

https://www.bnf.fr/fr

Mécénat Fondation Louis Roederer
https://www.louis-roederer.com/fr/news/the-foundation

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