Avant elle Johanna Krawczyk : la vérité en abîme
Avant elle Johanna Krawczyk : la vérité en abîme . Celle de sa famille. Des « réfugiés » politiques argentins. Un livre à tiroirs qui multiple fausses pistes, chausse-trapes et laisse le lecteur foudroyé. Sidérant !
Carmen est borderline. Elle boit pour repousser les lignes qui se rapprochent. Elle boit pour respirer. pour s’évader. « Chaque matin je me lève avec l’impression de ne pas être moi, de ne pas être la bonne place, dans la bonne vie. de n’être qu’un gribouillage, sans allure et sans joie, alors je bois un peu, dés 7h30, l’heure à laquelle mon réveil sonne cinq jours sur sept ».
Pourtant la jeune femme se place dans les normes. Enseignante spécialiste de l’Amérique latine, elle vit avec un mari aimant et leur petite fille.
D’où vient le mal-être qui la ronge ? Le suicide de sa mère quand elle était enfant a ouvert une faille. La mort de son père vénèré transforme cette faille en béance. Elle réveille aussi des interrogations inconsciences. Peut-être une prescience de l’intolérable.
Histoire familiale X dictature argentine
Car tout va basculer lorsque Carmen entre en possession d’une commode secrète. En l’explorant, elle remonte l’histoire de ses parents dans l’Argentine des années 70-80. L’Argentine de Peron puis celle de la dictature militaire deVidela. Au nom de la lutte contre « l’ennemi intérieur », le “communisme », la barbarie est érigée en devoir. Bilan : 30 000 disparus, des dizaines de milliers de torturés, des centaines de vols de bébés. Leurs mères détenues. accouchaient en prison puis étaient supprimées. Les manifestations des grands-mères de la place de mai réclamant les enfants et la lumière sur les disparitions sont célèbres.
La commode et la vérité en tiroirs
Cette histoire Carmen la connait bien. Pas par son père qui n’a jamais voulu lui en parler. Mais par ses études. Fille de réfugiés de la dictature elle voulait connaître son histoire tue en famille.
La commande lui donne des clés. Photographies, lettres, coupures de presse, sept carnets -des journaux intimes- et une petite clef.
Carmen découvre le parcours de son père commandant dans l’armée . Chaque découverte est une joie et un coup d’épée. La douleur est vive . Le sentiment de manque, d’absence monte en un crescendo brûlant.
Puis au fil de la lecture Carmen exhume de la commode une vérité à tiroirs. Et si l’histoire familiale, la rencontre des parents dans le quartier de la Bastille, les amis du Balajo, le silence comme rampart aux traumatismes … si tout cela était cachait une autre vérité.
Dans Après elle, Johanna Kraweczyk croise l’histoire familiale et l’histoire d’une des pires dictatures argentines. Sa reconstitution à travers les carnets intimes et les documents d’époque lui donne une intimité insupportable. Mais la prouesse, le grand talent du livre réside dans un succession de renversements. De fausses pistes en chausse-trapes, l’écrivaine nous entraine dans une enquête qui débouche sur une vérité abîme.
Avant elle
Johanna Krawczyk
Éditions Héloïse d’Ormesson http://www.editions-heloisedormesson.com
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