Mobylette Frédéric Ploussard : roman social en roue libre
Mobylette Frédéric Ploussard : roman social en roue libre. L’ancien éducateur spécialisé nous plonge dans la vie d’un foyer au coeur du Grand Est et de son Texas Lorrain. Un Far Est impitoyablement drôle.
Dominique est éducateur spécialisé dans un foyer qui laisse survivre les cas ultra sociaux. En particulier deux soeurs, Cindy et Mélanie, aussi violentes et attachantes que douées pour le business. Mais se distinguent aussi Franck qui décapite divers spécimen de la faune locale et Adama lanceur de javelots émérite. Un talent qu’il exerce sur ceux qui l’embrouillent.
Fast et furious
L’éducateur adopte des méthodes originales faites d’improvisation sportives. Notamment un repli suivi d’une fuite éclair après une bagarre générale déclenchée dans un cinéma. On est Fast et Furious ou pas.
Les ados l’ont plutôt à la bonne. Mais l’éducateur gagne leur « respect éternel » lors d’un clash familial pendant lequel il balance une solide bordée de fucks à sa belle-mère.
Si la vie professionnelle de Dominique est agitée, sa vie privée n’est pas en reste. Son couple bat de tellement de l’aile qu’il campe chez son collègue veilleur de nuit et adepte de la fumette. Pratique qui lui fait voir les ados furieux et écorchés comme des enfants inoffensifs. »Ce ne sont que des gamins » répète-t-il en préparant des champignons psychédéliques ramassés dans la nature vosgienne. 100% bio donc. C’est lors d’un deal forcé qui tourne à l’effondrement de terrain que Domnique va retrouver son père et le géniteur ganster des soeurs.
Mauvais karma dans le Texas lorrain
Dominique aurait pu avoir un autre destin. Une mobylette en a décidé autrement. Pour le Noël de ses 14 ans il attend une Peugeot 103. Il reçoit un pouf.
L’erreur de trop de parents allumés.
La mère fait une fxette sur les cadenas et met toute la region sous clef. Le père cumule les jobs et les magouilles avec la marie. Citons l’enfouissement, non de déchets, mais de crânes Goths découverts sur les lieux d’un futur parking. La municipalité préfère le progrès, surtout quand il est juteux, à la mémoire des ancêtres. Et puis pour la culture il y a la Cité radieuse de Le Corbusier plantée comme ça, là dans les bois.
Alors Frédéric qui a beaucup grandi -il s’arrête néanmoins à 2 mètres- va partir le plus loin possible du « Texas Lorrain ». Plus précisément dans les forêts des Vosges. Il quitte Le Clinquey, copycat de Briey (Meurthe-et-Moselle) qui a vu naître le tueur en série Francis Heaulme, pour les rivières qui ont noyé le petit Gregory.
Frédéric Ploussard nous régale avec les couleurs et les matières : les champs de colza jaune a perte de vue, les lotissements à moqette grise, la terre brune lourde et poisseuse, la forêt « rancunière » arrosée aux pluies acides. Les pluies justement. Des compagnes de presque chaque jour que l’on amadoue avec des mots. Un crachin équivaut à de fortes précipitations ailleurs en France. Avec les chûtes drues on frôle la tempête tropicale. Et puis il y a le lac – près d’un centrale- où Dominique nage longtemps. Un exutoire, un baume glacé sur son bad karma.
Trafics et corruption dans le Grand Est
Dans le lac placide, les soeurs on coulé le camion de leur père. Quid de la cargaison de cannabis ? Pour le savoir celui-ci tente de récupérer ses filles.
Le directeur du foyer appuie la demande. Il veut se débarrasser de Cindy et Mélanie, trop voyantes, pour mener à bien son projet de commerce de VAE.
Le foyer tombe en ruines, la bouffe est immonde, les ateliers sont fermés. Mais le directeur dispose d’un bureau au design scandinave dans un donjon. Il y fantasme sur les vélos électriques appellation contrôlée made by trisomiques et ados en réinsertion. Des modèles hors de prix. Un pactole dont il détourne une belle partie.
Il y a quelque chose de pourri au royaume du directeur à la Mégane. Pourri comme le temps et les petites affaires des notables.
Cru dans le style comme dans le récit, Mobylette, le premier livre de Frédéric Ploussard, ancien éducateur spé, est un régal. Un roman social sur une région rongée par les maux de l’industrie et de la désindustrialisation. Un récit aussi cruel que drôle sur la vie dans des établissements d’accueil en perdition. Du déjanté apparemment bien documenté.
Mobylette est l’un de nos coups de coeur de la rentrée littéraire. En septembre, le livre a reçu le prix Stanislas 2021 du premier roman.
Mobylette
Frédéric Ploussard
Éditions Héloïse d’Ormesson
https://www.editions-heloisedormesson.com
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