Art jardins et hortillonage : escapade slow au festival d’Amiens

Art jardins et hortillonage : escapade slow au festival d’Amiens . En barque au fil des canaux ou en marchant le long de la Somme découvrez des créations paysagères et plastiques décalées et poétiques. Des créatures fantastiques à la barque d’or en passant par le saule bigoudis les oeuvres s’inscrivent dans une démarche en faveur de l’environnement, du patrimoine vivant et des hommes.

La barque en chêne brut ronronne sur l’eau verte des anciens marais. Loin au dessus des saules les cumulus voyagent. Le silence bourdonne et caquète dans les iles qui se succèdent. Parfois un poisson mort frôle la barque. Sans doute trop lourd pour le pélican qui l’a pêché puis recraché. En terre d’hortillonnage la nature n’est pas totalement manucurée.

Petite histoire des hortillonages et du Festival

Carte des hortillonnages d’Amiens

Dans les années 70 ce territoire de 300 hectares d’anciens marais situés à l’est d’Amiens a failli devenir une rocade. C’est un patrimoine vivant remontant au Moyen-Âge qui risquait de disparaître. L’Association pour la protection et la sauvegarde du site et de l’environnement des hortillonnages sauve le lieu de la betonisation. Plus tard, en 2010 la Maison de la Culture d’Amiens imagine le festival de jardins qui est porté depuis 2018 par l’association Art & jardins Hauts-de-France.

Mais il a d’abord fallu dépolluer et nettoyer. « La première année nous avons incinéré les plantes chargées de métaux lourds (NDR : technique de phytoextraction) explique Gilbert Fillinger fondateur et directeur du Festival. « La zone ressemblait à une décharge. On a retiré des baignoires, des éviers, un peu de tout » se souvient de son côté Francis Parmentier. Le « chef » des hortillons est fier d’être « né dans un chou ». En clair d’appartenir à une dynastie de maraichers des jardins sur l’eau de Picardie Mais l’hortillonnage (de « hortis » jardin en latin NDR) se perd. «Aujourd’hui il ne reste plus que 9 hortillons sur la zone » déplore Francis Parmentier.  « Si le festival n’avait pas vu le jour tout ici serait testé en friches et les hortillons auraient disparus ».

Des îles, des arts et des humains

Le Festival International de jardins / Hortillonnages Amiens fête cette année sa 13e édition. Et la démarche reste fidèle aux fondamentaux. À savoir disposer sur 26 parcelles et îlots, les jardins et les installations plastiques. Au total, 182 œuvres réalisées par 272 paysagistes, architectes et plasticiens ont été découvertes par plus de 450 000 visiteurs. Cette année 12 nouvelles installations s’ajoutent les 46 autres créations visibles sur le parcours.

Sun Reflection Collectif Nova

Affaissement S.Augade ©Yann Morel

Parmi les fondamentaux figurent également la promotion de la jeune création paysagère architecturale et artistique, la gestion eco-responsable du site et l’intégration sociale. Les jardins sont ainsi entretenus par un entreprise d’insertion.

Slow tourisme dans les Hauts de France

Barques électriques en chêne et pin pour découvrir les jardins flottants

On découvre les Hortillonnages en louant une barque ou un canoë à Camon au Port à fumier. Ou bien en suivant un chemin de halage depuis l’Île aux fagots près de la gare d’Amiens.

Un slow tourisme à 1h 07 de Paris (si le TER le veut bien) qui convient aux sportifs comme aux flâneurs et immerge dans un paysage riche de 314 espèces végétales.

Cabane et plantes sur le chemin de halage de l’île aux fagots

Les plantes on les trouve sur les parcelles des quelques 1 500 propriétaires. Les cabanes où ils viennent se détendre ne disposent ni d’eau ni d’électricité. Il s’agit de préserver le côté authentique du site et non d’encourager la construction de résidences secondaires «  Un particulier avait construit une maison de deux étages. Il a du la démonter  » rappelle Gilbert Fillinger membre de l’association des propriétaires. Attention donc à la police de l’eau !

Mais la majorité des utilisateurs jouent le jeu. Certains semblent même prêts pour un prix maison et jardin. Sur le chemin de halage de l’Île au fagots on découvre depuis le pont un jardin flottant typique. La propriétaire passe la tondeuse comme elle passerait le balais. Les chaises sont perchées sur la table pour faciliter le ménage-jardinage. Coté design une fenêtre fictive est posée sur la clôture tandis que diverses expérimentations décoratives parsèment l’île. Il manque toutefois les nains de jardin.

Jardin flottant sur l’Île aux fagots / Amiens

Le site comprend aussi les cultures des hortillons comme Francis Parmentier. Le maraîcher prend soin de ses 3 ha de choux, poireaux ( 35 000 !) et autres légumes. Tout est bio. Francis vend sur place au Port fumier ou au marché local. En 1998 un label fruits et légumes des hortillonnages a été créé. La production du chef hortillon est bien entendu labellisée.

Art et paysages engagés

Mémoire d’arbre Y.U Chang


La parcelle de Francis abrite deux oeuvres. Mémoire d’arbre de Y.U Chang une installation qui mêle branches et racines en de longues tentacules qui s’étirent à fleur de terre Et Le banquet cornélien d’Atelier du dehors. Au milieu d’un cercle paysager, une table de bois et de bidons recyclés questionne la sobriété, son urgence mais aussi les renoncements qu’elle implique .

Le Banquet cornélien Atelier du dehors

De quoi méditer au fil de des rieux (les canaux picards) en embarquant et débarquant d’îlots en ilots. Le circuit dure 2h30 ou 5 h au choix. Le temps d’une immersion dans la nature interprétée par l’humain.


La Cale Les Marneurs et Collectif Dallas ©Yann Monel

Toujours dans le registre de la fragilité des éco-systèmes voici La Cale. L’oeuvre – une simple cale en bois- est le détournement d’une technique de dragage qui consiste à consolider îles et berges à partir des limons. « La Cale renvoie à la lutte continuelle des hortillages avec leur environnement » commente Nathalie Vallée, directrice de production de l’Association Art & Jardins I Hauts-de-France. Plus généralement l’installation symbolise la menace de plus en plus précise des inondations et de l’érosion des sols.


Vigie environnementale Le Festival des jardins ne recule pas pour autant devant le Bizarre .

Saule bigoudis ou barque pour l’Ailleurs : des œuvres décalées et poétiques

La Fascinante des Hortillonnages Vergers Urbains

Dans ce domaine l’oeuvre la plus attractive, la plus déroutante, celle qui floute les frontières entre la nature et la création paysagère est sans doute « La fascinatrice des hortillonnages ». Une invention anthropomorphe, animiste qui aurait sa place sans une série fantastique de Netflix.

L’Île aux Housses Collectif H3o ©Yann Morel

De son côté le collectif H3o propose l’Île aux housses. Un rien surréaliste, l’œuvre pose de (faux) poissons dans les arbres. Elle renvoie ainsi aux images du monde sous marin invisible mais aussi à la pêche. « Le festival des hortillonnages est un espace partagé. Tout le monde y a sa place : pêcheurs. petits propriétaires, maraîchers, visiteurs » insiste Nathalie Vallée.

Nature Permanente C Cléron ©Yann Morel

La palme du loufoque revient toutefois à Nature permanente. Titre au jeu de mot digne d’un salon de coiffure puisque des bigoudis roses et bleus piquent les tiges d’un saule immense. L’œuvre résulte en fait d’un télescopage aléatoire entre l’anti glam (le bigoudis) et le symbole de la mélancolie (le saule pleureur).

Quant au poétique il s’incarne notamment dans Navette, Aknaku et Pan. Trois oeuvres à découvrir en déambulant sur l’Île aux fagots.

Navette K Mori

Navette (2021) pose dans une sage attente entre arbres , terre et eau. Cette barque épurée couverte de feuilles d’or transporte vers un Ailleurs à imaginer. Magnétique !

Akpaku Kokou Ferdinand Makouvia

Comme d’ailleurs la calebasse en forme de laitue géante de Kokou Ferdinand Makouvia. Akpaku, calebasse en Éwé (une des langues parlées au sud Togo), a notamment une fonction rituelle. L’espace sacré de la sculpture en céramique instaure alors un dialogue entre les Ancêtres et les éléments Une autre façon de regarder les hortillonnages.

Pan Patrice Dion

Enfin iil y a Pan. Référence à la mythologie grecque ? Appel au dieu de la nature ? Pas du tout. En effet le créateur, Patrice Dion, utilise un procédé du XIIe siècle qui consiste à capter le soleil pour faire réagir la chlorophylle des feuilles fraîches. Résultat : des images qui semblent tirées d’un « Livre-Arbre ».

INFOS

Photo principale Akpaku Kokou Ferdinand Makouvia ©Yann Monel

Festival International des Jardins et des Hortillonnages d’Amiens : PROGRAMME ICI 👉https://www.artetjardins-hdf.com/

du 26 mai au 16 octobre 2022

Y ALLER train 🚅

TER PARIS GARE DU NORD – AMIENS

Depuis la gare d’Amiens

• À pied 🥾 Île aux fagots  : accédez depuis le Pont de Beauvillé, 43 chemin de halage 80000 Amiens. Entrée libre et gratuite. Accueil téléphonique : +33 6 78 53 55 92

• En barque 🚣‍♀️Port à Fumier, Camon : louez une barque électrique au Port à Fumier, 35 rue Roger Allou, pour un parcours d’îlots en îlots de 2h30.
Parcours payant et sur réservation en ligne : www.artetjardins-hdf.com
Accueil téléphonique aux horaires d’ouverture du Festival : +33 6 78 53 55 92

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