Chaumont sur Loire fête ses 30 ans et le jardin idéal

Chaumont sur Loire fête ses 30 ans et le jardin idéal . Poésie, humour, sens du beau et des défis, un festival international de haute volée très ancré dans la terre et sa survie.

Près des courants sauvages de la Loire, entre Tours et Blois, le domaine de Chaumont étale ses 32 ha classés au patrimoine de l’Unesco. Un label prestigieux qui s’ ajoute aux trois étoiles du Michelin vert des Châteaux de la Loire. Destination verte, Chaumont accueille sur 21 ha un festival international d’art et de jardins. Patrimoine, art, jardin, l’équation plaît. Ainsi 500 000 visiteurs auraient goûté aux plaisirs du Domaine en 2019. Un chiffre qui sera peut être battu en 2022. En effet cette année la manifestation de création paysagère baptisée par le journal allemand Spiegel « Festival de Cannes des Jardins » fête ses 30 ans.



L’occasion d’une part d’ouvrir un hôtel durable. Reconversion d’un ancien corps de ferme « Le Bois des Chambres » comprend 39 suites et cabanes ainsi qu’un restaurant designé en vaste hutte de chaume et tenu par le chef Guillaume Foucault.

Le moment d’autre part de lancer un défi. À savoir : proposer un jardin idéal. «Nous nous sommes demandé ce que devait être un jardin aujourd’hui » explique Diane Colleu-Dumond. Conclusion : polymorphie et fonction plurielle. « Nous avons retenu un certain nombre de critères dont le côté esthétique, nourricier, bio, thérapeutique » poursuit la directrice du Domaine.

De facto rien ne change car parmi les 300 candidatures annuelles 25 jardins ont été retenus. Des havres de création qui reflètent le Zeigeist comme les éditions précédentes qui ont notamment planché sur la mémoire, et la biodiversité heureuse. De même, selon Chantal Colleu-Dumond, le festival tente toujours de « faire avancer la conscience environnementale d’un public très large ».

Tour d’horizon des jardins les plus étonnants ou les plus prestigieux.

La Méditerranée : un idéal de la Provence à l’impératrice Livia

« Nous avons crée près de 1 000 jardins depuis 1992″ rappelle la très dynamique directrice.
Et parmi les créateurs, des stars multi awardés comme Jean Mus. Avec « Le jardin méditerranéen , l’homme aux mille jardins et à la crinière blanche, le dandy du paysage marrie la pierre et le végétal. Un hommage sans surprise à la Provence et une référence à la mémoire comme au temps à travers murets et bassins. Indéniablement une théâtralisation des beauté du Sud,  du « vert paradis de l’enfance ». Mais le jardin de Jean Mus réserve aussi des surprises. Ainsi on découvre des racines de cyprès réelles ou fictives sculptées. L’oeuvre d’art Racines est une « carte verte » donnée par Jean Mus à l’artiste Gary. Objectif : souligner les lignes de vie de l’arbre.

Toujours dans le mood méditerranéen mais dans un Sud plus lointain « Le jardin idéal » de Jacqueline Osty. Née au Maroc, diplômée en architecture à l’école des Beaux-Arts et en paysage à l’école du paysage de Versailles, Jacqueline Osty crée une ambiance à la Majorelle faite de jeux d’ombre et de lumière. Autour d’un bassin et d’une treille, des objets de récupération ainsi qu’une végétation aux couleurs vives.

De son cote l’italienne Carlotta Montefoschi propose « De la nature ». Un clin d’œil au De natura rerum du philosophe Lucrece ? Non plutôt à Livia, troisième épouse de l’empereur Auguste et à sa villa à la fresque en trompe-l’œil. Comme Jean Mus la créatrice joue sur la mise en scène à l’aide de premiers et d’arrières plans. On distingue ainsi une palissade en osier puis une balustrade en marbre. Un petit muret rose serpente autour d’un riche rideau végétal. Idéal d’harmonie.

Jeux d’eau et de couleurs : jardins écolos

L’eau est un bien précieux. Le GIEC le martèle. Un avertissement entendu par Aymeric Dufour et son jardin Grenade. «Nous avons employé les oyas, ces jares qui irriguent par capillarité en économisant l’eau » explique le paysagiste. «Nous avons revisité leur usage en les utilisant à la fois en terre et comme objet design ». De fait le jardin hérissé de grosses hélices en forme de grenade d’un rouge profond est à la fois une réussite esthétique et le fruit d’une technique innovante.


Du rouge au bleu. Ou plutôt aux bleus. Nicolas Triboulot joue en effet sur une palette qui va de l’azur au Guimet en passant par le Klein ou encore le canard dans Bleu 47 latitude Nord. Sa création célèbre l’eau, les glaciers en perdition et le ciel à travers une installation circulaire et un bassin. On rêve de voir toutes les petites poches qui composent l’oeuvre se soulever en une respiration. Comme le font les œuvres du plasticien Pablo Reinoso.

Du rêve à la médiation avec les nuages Ying Yang de The living batik. Le Malaisien Inch Lim livre une oeuvre d’une beauté magnétique alliant bassins noirs, nuages batik, dôme pale et mini îles herborées en forme elles aussi de nuages. Peut être le jardin le plus créatif de ce festival.

Jeux de miroirs et d’égo

Ces jardins écolos et design renvoient à d’autres espaces qui questionnent la place de l’homme dans la nature et son rang auto proclamé de premier de cordée. Des jardins qui interrogent aussi l’égo.

Acrobate entend pilonner la quête d’équilibre qui caractérisant la condition humaine. Le jardin est dessiné de cyprès, d’arbres fruitiers et d’un tapis de fleurs blanches. Ce paradis illusoire s’observe à travers des miroirs de différentes tailles et couleurs. On peut aussi voir dans ses miroirs l’égo de l’Homme qui comme Narcisse se mirant dans l’eau, pourrait lui être fatal comme il pourrait l’être pour la planète.

Ce jeu de miroirs et d’égo se reflète pleinement dans Le jardin de la réciprocité. Deux rangées de glaces en forme de totem ouvre sur une agroforêt répondant aux besoins essentiels. Au cœur de la création un bassin circulaire lui aussi entouré de totems miroirs. L’objectif des architectes paysagiste américains Jason Shinoda et Elisa Read Pappaterra est d’inviter à réfléchir bien entendu sur la place de l’homme dans la nature mais surtout sur une enfilade de questions « Où commence l’être humain et ou finit-il ? Où commence la nature …. dans un même paysage ».

Du spirituel dans l’art paysager à Chaumont sur Loire

Outre la recherche de protection pour soi et pour la nature (Le cocon végétal), de beauté et de paradis perdu (Jardin des nymphes) le jardin idéal est un lieu d’Interrogation et de quête spirituelle.

Très conceptuel Paradoxe joue l’étymologie et l’imaginaire. « Le mot “idéal” est issu du latin “idealis” : “qui correspond à l’idée et non à la réalité”. Par conséquent, le “jardin idéal” n’a pas de forme particulière, il est libre » explique Diane Colleu-Dumond. En bref, il devient un vaste champ des possibles et une friche de libertés. «Il y a en effet autant de jardins idéaux que de personnes qui les pensent » explique  Sebastian Sowa, l’un des créateurs. Pas question toutefois de faire dans l’abstraction rébarbative . Paradoxe se veut ludique.  Le jardin est composé de trois portes pour coller à toutes les tailles, enfants et personnes en fauteuil compris. «Les visiteurs adorent regarder par le trou de serrure pour découvrir ce qu’il y a derrière. Ils appuient sur les poignées pour pousser la porte fermée et aller plus loin. Et parfois aussi ils partent avec une poignée » s’amuse l’architecte paysagiste allemand.

De son cote Le jardin de Thélème s’inspire des abbayes cisterciennes lieu de paix et de spiritualité. Tout en arches et en carrés de simples, il magnifie la sobriété et comme Paradoxe en appelle à la liberté. Selon son concepteur Francois Massin Castan le jardin idéal est là où on le décide. La libre décision est d’ailleurs présente dans le titre. Dans Gargantua, Rabelais parle de Thélème comme d’une abbaye où les règles n’ont pas droit de cité.

Jardin idéal : nourricier et convivial

Des nourritures spirituelles on passe aux nourritures terrestres avec une série de jardins nourriciers et conviviaux.

Ainsi Le Banquet propose un idéal incarné dans une table plantée où s’étalent plus de 125 espèces de fruits. plantes, fleurs comestibles et de quelques recettes de chefs. Sucré, salé ou umami (la cinquième saveur) il y en a pour tout les goûts.

Le chef jardiner Sylvère Fournier pousse la convivialité jusqu’à installer une baignoire et un lit à baldaquin dans son jardin. Tilleuls, camphriers, houblons, verveines habitent cette demeure contemporaine. Une fontaine tombe dans un bassin d’eau vive. Et murmure un air de farniente. Ce petit paradis s’appelle « Ma maison est un jardin ». Un idéal de transposition ?

« On se parle  » demande le jardin de Kathryn Gustafson’? L´Américaine désignée notamment pour aménager le Champ de Mars imagine un espace minimaliste agrémenté d’un modeste plan d’eau avec vue sur le Château. Le lieu invite à une conversation sur le monde assis sur un « canapé » … qui prend l’eau. On espère que le problème a été réglé depuis notre visite. Mais peut être est-ce expérientiel ? 🙃

Et la suite ?  « Nous avons encore des idées pour 30 ans » plaisante Chantal Colleu-Dumond. L’édition 2022 est une réussite indéniable. Humour, poésie, sens du beau et des défis poussent dans la plupart des jardins. Les futurs candidats devront concocter un super compost pour faire fleurir leur imagination.

Photo principale : The Antik batilk jardin d’Inch Lim

INFOS

Festival international des jardins Domaine de Chaumont-sur-Loire https://domaine-chaumont.fr/fr/festival-international-des-jardins

🗓 21 avril 2022 – 06 novembre 2022

PRIX DES BILLETS 💶

6 € tarif enfant 19 € plein tarif 38 € pass famille

Y ALLER en train 🚊

Paris Gare d’Austerlitz TER en direction de Tours . Durée 1h40

Navette à Onzain-Chaumont-sur-Loiré Durée 15 mn

DEJEUNER sur place ou presque👩‍🍳

Gastronomie : Le Grand Velum ou Le Grand Chaume (nouveau restaurant gastronomique du Domaine )

SNACKS EN TERRASSE L’estaminet et le Café du parc

Picnic près de la Loire

Related article Chaumont sur Loire fête ses 30 ans et le jardin idéal / Chaumont sur Loire fête ses 30 ans et le jardin idéal

Art jardins et hortillonage : escapade slow au festival d’Amiens https://finelife.tv/fr/2022/06/21/art-jardins-et-hortillonage-escapade-slow-au-festival-damiens/

Chambord : Pablo Reinoso et l’art des débordements https://finelife.tv/fr/2022/07/19/chambord-pablo-reinoso-et-lart-des-debordements/

Claire Illouz le paysage des marges https://finelife.tv/fr/2022/08/11/claire-illouz-le-paysage-des-marges/

Global award for sustainable architecture https://finelife.tv/fr/2022/10/15/global-award-for-sustainable-architecture-2022-les-5-laureats/

Renaissances : partenariat entre la Toscane et le Val de Loire https://finelife.tv/fr/2023/08/12/renaissances-partenariat-entre-la-toscane-et-le-val-de-loire/