Claire Illouz le paysage des marges

Claire Illouz le paysage des marges . L’artiste contemporaine expose 80 pièces au musée d’Art et d’Histoire Louis-Senlecq à l’Isle-Adam dans le Val d’Oise. Un regard sur la nature des bas-côtés paradoxalement puissante et fragilisée.

On les perçoit dans l’inattention, on les dépasse, on les côtoie sans les voir. Ils ont une proximité invisible. Ces bas-côtés, ces talus à la fois riches en biodiversité et témoins de notre civilisation, avec dans leurs interstices nos déchets bien urbains, Claire Illouz en fait son terrain d’Art. Elle expose sa passion du paysage des marges au musée d’Art et d’Histoire Louis-Senlecq à l’Isle -Adam dans le Val d’Oise.

Musée Louis-Senlecq Talus d’août, L’envahisseur, Périphéries
Musée Louis-Senlecq au centre La crête aquarelle sur papier

On a vu récemment une pièce de la créatrice à l’exposition Fata Morgana du Jeu de Paume. Mais ici ces quelques 80 paysages ont toute leur place. Le musée comprend est en effet une salle dédiée au peintre paysagiste Jules Dupré (1811-1889) maître des lumières à la Constable. De plus Claire Illouz qui demeure dans le Parc naturel régional du Vexin à une soixantaine de km de l’Isle-Adam en connaît parfaitement la faune et la flore.

Claire Illouz devant Aux antipodes

L’exposition « Les abords du paysage » s’étale sur deux étages et se divise en plusieurs sections : les talus, les sous-sols, la gravure, les livres d’artistes. De fait un tour d’horizon des intérêts de la créatrice qui utilise le crayon, le fusain et la graphite comme l’aquarelle ou encore le lavis d’encre. Mais qui voue également une passion aux livres et aux mots. Alors rien d’étonnant à ce que ses titres aient une une touche poétique «  Le ciel n’y verra rien », « Demi tour dès que possible ». Claire Illouz revendique d’ailleurs son admiration pour les poètes notamment Emily Dickinson.

Dyptique Le ciel n’y verra rien – lavis et aquarelle

Paysages des marges : une proximité invisible et puissante

Talus de mars (détail) encre et aquarelle

Dans son travail Claire Illouz réhabilite donc les marges. Talus, bas-côtés, micro parcelles sauvageonnes que le regard ignore. « Les talus forment des multitudes qui me fascine  » reconnaît volontiers la dessinatrice.

Talus à l’approche aquarelle sur papier marouflé

De fait, la nature ignorée reprend ses terres. Notamment avec « Talus à l’approche ». Alors les herbes sont définitivement folles, et les plantes (orties) piquent. Tandis que les ronces évoquent une protection. Celle du château d’une belle nature au bois réveillée et toute puissante. Les entrelacs de plantes forment en effet un monde luxuriant et colonisateur qui exclue l’homme voire le menace. « La pente » qui représente une jeune fille absorbée par son smartphone suggère ainsi une inexorable progression des marges, un engloutissement de l’humain désinvolte centré sur les machines intelligentes. De même  « Talus désormais » a des airs d’avertissement, de reconquête. « Je ne partage pas la vision rousseauiste d’une nature sereine » confie la peintre. « Indéniablement ce qui m’intéresse ce sont les forces destructrices à l’œuvre dans les paysages ». Des forces qu’elle se plaît à comparer aux structures mentales.

Incontestablement en regardant les détails des oeuvres c’est une flore en guerre qui saute aux yeux. Une jungle familière où les pointes des ronces ressemblent à des crochets. Toutefois cette nature guerrière, ce Microcosmos version Mad Max, révèlent des fragilités.  

Gros plan sur déchets des sols

« Il y a plein de nous, plein de notre présence au monde dans le foisonnement des bas-cotés et nous l’ignorons ». Négligence qui prend la forme de déchets, du papier jusqu’au plastique en passant par divers rebuts comme dans « Talus fréquenté » Une négligence évidemment à l’origine de pollutions des sols et des eaux.

Sous sols : strates de civilisation

Observatrice, l’artiste joue également les archéologues avec le série Vestiges. L’exposition présente majoritairement des séries. Les talus en offre une palette. « Talus de mars », « Talus d’avril », Talus d’août  » etc. Une attention au passage des saisons autant qu’à la météo. « La lumière sans cesse différente fait varier infiniment une touffe d’herbe » explique le dessinatrice. Les titres reflètent directement son intérêt pour les phénomènes météorologiques. Citons par exemple « Perturbations passagères » ou  encore « Tracé du vent ».

Tracé du vent sonogramme réalisé en collaboration avec avec un ingénieur du son pour restituer le bruit des bourrasques de vent dans les feuilles


« Vestiges » plonge dans la terre, dans les sols à la fois fragilisés par les déchets humains et mine d’informations sur nos sociétés. S’ouvre alors une mémoire faite de racines et d’objets hétéroclites. Les gravures « Vestiges E » et « Vestiges III » ont ainsi des allures de radiographie de nos oublis.

Vestiges E eau forte aquatinte pointe sèche et monotype sur chine

Mise en tension du regard

Dans « Sous-sol » comme dans « Talus » Claire Illouz utilise les polyptyques « pour mettre en tension le regard ».

Dyptique L’envahisseur (détail) huile sur toile

Elle diversifie aussi les supports. « L’impression renvoyée par une gravure sur laquelle on se penche est différente de celle d’une peinture que le regard balaie ». Pour faire participer celui / celle qui regarde l’artiste varie et mélange les techniques. « L’insomniaque » une eau forte où les gris d’un homme au sol se mêlent aux chardons bleus transporte dans une autre dimension de l’invisible : le rêve.


L’insomniaque eau forte aquatinte et monotype

Les migrants, eux aussi invisibles, de They Run sont de leur côté traités à l’aquatinte et pointe sèche. Résultat : un rendu presque fantomatique. L’essentiel pour Claire Illouz est de mener le regardeur quelque part. Un impératif qu’elle s’impose avec encore plus d’exigence dans les livres d’artistes. « Il faut créer une aventure entre un texte et un artiste pour faire atterrir le lecteur quelque part ».

Les Partants eau forte – les migrants invisibles et négligés comme les paysages des bas côtés selon Claire Illouz

La créatrice ne lésine sur aucun moyen pour donner à ressentir le vivant négligé. Ainsi pour transmettre le bruit des bourrasques de vent au travers des feuilles elle a travaillé avec un ingénieur du son. Le sonagramme oscille entre hurlement et lamentation végétale. Un ultime avertissement donc sur la nécessité de regarder-écouter la nature aussi bien que le paysage des marges.


INFOS

Musée d’Art et d’Histoire Louis Senlecq
31, Grande Rue – 95290 L’Isle-Adam
01 74 56 11 23 – 01 34 08 02 72
https://ville-isle-adam.fr/musee
https://facebook.com/museelouisenlecq95

DATE 🗓 Exposition Claire Illouz Les Abords du paysage 10 avril – 18 septembre 2022

🕘 HORAIRES Le musée est ouvert du mercredi au dimanche de 14h à 18h. Visites guidées le dimanche. Pour les autres dates consultez le site du musée.

PRIX DES BILLETS 💶 plein tarif 4,5 € tarif réduit 3,5 €

Y ALLER en train 🚞 Ligne H Départ Paris Gate du Nord transilien ligne H jusqu’à L’Isle – Adam Parmain 50 mn

ATTENTION car des travaux perturbent la ligne H pour venir à L’Isle-Adam depuis Paris. https://maligneh.transilien.com/2022/06/27/les-travaux-de-juillet-et-aout-2022/

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