Arty Freaks foire foraine d’art contemporain au 104Paris
Arty Freaks foire foraine d’art contemporain au 104Paris . Du train-fantasmes à la galerie de l’illusion en passant les confiseries ou encore la divination, une cinquantaine d’artistes jouent la carte de l’immersion, de l’émotion et du ludique.
Envie de pomme au sucre ou de barbapapa, de dégainer la carabine pour gagner des mega peluches, de hurler de peur dans le train fantôme ? Alors rendez-vous, non pas à la fête foraine version traditi, mais au CentQuatre-Paris dans le 19eme arrondissement. En effet cet établissement culturel parmi les plus pointus et chamarrés de la capitale organise une « exposition » où le public doit toucher les oeuvres d’un art contemporain saltimbanque. Toucher pas regarder. C’est une injonction ! Une initiative peu courante.
La foire foraine : grande oubliée de l’art contemporain
Le cinéma s’est très tôt intéressé au monde du cirque et des forains. Hollywood a exploré les multiples facettes de ce monde du spectacle « bigger than Life » avec notamment Le cirque de Charly Chaplin, Trapèze de Carol Reed, Sous le plus grand chapiteau du monde de Cecil B. DeMille. Sans en oublier le côté sombre avec Freaks de Tod Browning ou encore Elephant man de David Lynch. De son côté l’Europe s’est distingué avec La Strada le chef d’oeuvre de Federico Fellini.
En revanche si le monde circadien et les baraquements de la Goulue ont aimanté Toulouse Lautrec, si le corps sinusoïdal des acrobates a fasciné Picasso et Matisse, si l’expressivité des clowns et les marges subversives du cirque ont magnétisé Otto Dix ou Oskar Kokoschka, il faut attendre les années 60 pour que cet univers soit reconnu par les institutions artistiques. Plus précisément en 1966 quand Julio Le Parc, peintre argentin installé à Paris, reçoit le Grand prix de la peinture de la Biennale de Venise pour un pavillon qui reprend les code de la fête foraine. Un mini scandale s’en suit d’ailleurs.
Oeuvres-Attractions : de l’émotion dans l’art contemporain
Aujourd’hui le CentQuatre Paris présente une manifestation qui rassemble une cinquantaine d’artistes. « Une vraie fête d’art » regroupant les arts vivants, populaires et l’art contemporain dont « les spectateurs sont les acteurs ». Objectif : le lâcher prise, la mise en situation pour une appropriation des œuvres.
Tout commence par des jetons roses de chewing-gums recyclés. On les achète dans de petites baraques … foraines bien entendu. Tout à côté de la caravane de l’art modeste. Ensuite c’est comme on le sent. Un feeling gourmand? Alors direction les Space Waffles. Invader, le très mystérieux street artiste, a imaginé des gaufres à l’effigie des ses célèbres personnages pixélisés. Suite de l’invasion gustative avec Le chocoleur. Pierre de Mecquenem organise en effet une pêche à la ligne qui consiste à plonger une gourmandise dans le chocolat chaud.
Tout va bien. Est-ce que cela va durer ? Vite un peu de divination dans le cabinet du Pr Cristobal où l’on pioche des prédictions vertes, jaunes ou roses. Ouf tout va toujours bien. Promotion, retour à l’abondance. Un peu sarcastique toutefois le Pr Cristobal qui moque les communicants reconvertis en prof de yoga, la ruralité Neo-Covid et les NFT. Allez on vérifie son aura auprès d’une intelligence artificielle qui transforme par ailleurs les données physiologiques en musique. Car dans l’installation Esprit es-tu là de Véronique Béland, un piano joue une partition originale et réécoutable grâce au QR code imprimé sur la photo de l’aura.
Pour faire durer tous ces plaisirs on tente la palette de créations-attractions numériques qui flatte l’ego. Liste non exhaustive : Encoreunestp qui permet d’obtenir un like de l’artiste sur la photo de son choix, Le Métamorpheur, un photomaton 2.0 avec des filtres festifs et artistiques ou encore Catch Me if you can une machine à pinces foraine qui capte nos émotions numériques. Dans la même veine et juste à côté Le Casino Las Datas de Sylvia Frederiksson teste jusqu’à quel point nous sommes prêts à dévoiler nos datas pour un moment de bonheur numérique. Très addictive l’oeuvre avait été exposée à La Fondation EDF lors de l’exposition 1,2,3 Datas.
Train-fantasmes, escalier néant ou galerie des miroirs : vertige et illusion
C’est donc le moment de se faire peur. Avec le Train-Fantasmes interprétation du train fantôme. À l’accueil, des vrais wagons et une créature velue et griffue du duo Peybak. Six artistes se succèdent pour nous terroriser à coup d’araignées géantes, de fantômes, d’oeil coupé tiré du Chien andalou de Bunuel. Le circuit est très court. Il s’arrête juste au moment où on l’on commence à frémir. Dommage.
On tente alors le vertige avec Face au vide de Yoann Bourgeois. Un escalier grimpe, tourne, descend des questions fusent. Et à la fin de cet escalier qu’y a-t-il ? Et bien, rien. Prêt à sauter dans le vide ? Attention vous êtes filmés.
De flashé on passe à dupliqué à l’infini dans la galerie des glaces de Julio Le Parc. icI le risque n’est plus de se perdre dans le vide mais dans l’illusion. « Le chemin de l’illusion » c’est d’ailleurs le titre de l’oeuvre. Une installation cinétique sublime faite d’une pièce entièrement peinte en lignes noires et blanches et ponctuée de miroirs.
Pour continuer de perdre ses repères il y a aussi l’immersion dans une pièce saturée de ballons verts (Air Galerie-Martin Creed) et l’immeuble trompe l’oeil de Leandro Erlich. Carrément bluffante l’oeuvre permet de se voir grimper sur la façade d’un bâtiment, se coller à une fenêtre ou à une porte. Ultra ludique.
Toujours dans l’immersion ne surtout pas manquer Stellairoscope de Julien Salaud. Une oeuvre autant pariétale que stellaire. Plongé dans le noir et les stroboscopes on imagine des dessins préhistoriques gravées sur des galaxies. Un cosmos pariétal à la beauté radicale.
Arty freaks : peur, environnement, rôle de l’art
Pilar Albarracin colle quant à elle à l’actualité chaude bouillante. Une actualité où de jeunes activistes que la lenteur des réactions face à l’urgence climatique insupporte se collent les mains sur le verre de tableaux de Francisco Goya. Ou bien balancent de la sauce tomate sur les tournesols (protégés) de Van Gogh. Dans sa Shooting Gallery Pilar Albarracin propose de dégommer à la carabine des oeuvres de l’histoire de l’art. Récompense : des cartes postales. Certes ici ne n’est pas le climat qui est en cause mais une conception élitiste de l’art.
Cette orientation arty freaks semble encouragée par les deux commissaires, José-Manuel Gonçalvès et Fabrice Rousteau. Encore une fois pas dans une interprétation éco-radicale mais à travers la recherche d’une attitude subversive face aux institutions. Le motto évoque Magritte et son « Ceci n’est pas une pipe » qui devient ici ceci n’est pas exposition. « Les artistes jouent avec les questionnements » estime Fabrice Bousteau. « Le rôle de l’art dans dans la société, dans les peurs notamment par rapport à l’environnement ». Le critique évoque une « aventure très expérimentale », un « jeu qui touche toutes les classes sociales ». Alors l’art c’est la vie, l’art c’est pour tout le monde dirait BEN un arty freak d’un autre genre. Et surtout l’art c’est la fête.
INFOS
Foire foraine d’art contemporain
CentQuatre-Paris – 104Paris
5 rue Curial – 75019 Paris
Exposition du 17 septembre 2022 au 29 janvier 2023
Billetterie 24/24 – 7j/7 Tarif : à partir de 8 euros
Related article Arty Freaks foire foraine d’art contemporain au 104Paris / Arty Freaks foire foraine d’art contemporain au 104Paris
Toulouse-Lautrec moderne et intime https://finelife.tv/fr/2020/02/04/toulouse-lautrec-modern-et-intime/
La Fondation du doute célèbre l’ego art de Ben https://finelife.tv/fr/2022/11/01/la-fondation-du-doute-celebre-lego-art-de-ben/