Partout le feu Hélène Laurain plonge dans l’écologie radicale

Partout le feu Hélène Laurain plonge dans l’écologie radicale . Elle livre le portrait à fleur de peau d’une jeune activiste entre combat, colère et vie cabossée. Son premier roman écrit comme un souffle nous laisse pantelants au milieu d’une grande flamme.

Vous irez à l’ENS (École nationale supérieure ) avait prédit à Laetitia son prof d’économie. Elle était alors “l’écran blanc rêvé de tout prof de prépa”. Mais après un parcours “malheureux” en marketing communication, elle opte plutôt pour l’école de l’observation et de l’analyse radicale de la société. Celle des activistes. Spécialité climat. Option : anti species.

Laetitia Mueller est née trois minutes avant sa soeur jumelle, La Soeur. Son double inversé. Calme, insérée, omnivore, adepte des vernis à ongles. Entre les jumelles c’est souvent la guerre “Tu sais que tes vernis c’est de la laque comme celle des voitures”. Tensions également avec Pépou, le Père, accro aux SUV. Autour il y a la Lorraine, territoire désossé, désolé, terre d’accueil de centrales nucléaires et de déchets radioactifs. La mèche qui alimente sa colère. “Ma couleur c’est le vert, vert sorcière, vert colère, vert furie”.

Alors avec sa bande elle passe à l’action, une mise en bouche avant un incendie purificateur aux allures d’immolation sacrificielle et politique.

Un style radical au service d’un contre récit

Partout le feu est écrit comme une respiration, un souffle. Ce récit de la Passion et de la colère d’une jeune femme est une sorte de marathon stylistique avec des accélérations et sans ponctuation. Plus précisément les ponctuations s’incarnent dans des post it : extraits de morceaux (Nick Cave), de livre (Hotaru d’Aki Shimazaki sur Nagasaki emblème de l’attaque nucléaire d’aout 1945), des memo (certains scénarios de la Nasa envisagent un embrasement des terres émergées quand on étudie le planisphère des feux on se rend compte que les foyers se rapprochent de plus en plus les uns des autres)…

Sur plus de 150 pages il fallait tenir la longueur. C’est gagné.

Le style, radical, court, frappé dans la narration, est servi par une langue directe teintée d’emprunts aux codes des milieux activistes et underground. Mais cette langue directe est aussi celle de tous les jours et de tous les combat à mener. On y retrouve notamment les joutes entre Laeticia la vegane, La Soeur flex et le fiancé “viandard” comme le père. Surtout elle se présente comme une poésie remplie de brèches où souvent les mots s’enchaînent comme des saillies et parfois partent en villégiature dans des carnets calligraphiés et moqueurs. C’est le carnet de route des luttes comme du quotidien au Snowball de Thermes-les-Bains où Laetitia traîne sa vie.

Un contre récit immersif

Dans le journal Laetitia consigne l’état de son exéma comme des caricatures de Balec. Son mec de substitution. Un médiocre ersatz de Fauteur son vrai crush. En amour comme en lutte. Et elle n’est pas tendre. Citions par exemple : Balec c’est vegan version déforestation. Elle y ajoute des trésors de ruses pour éviter le contact. Mais Balec fait partie de la bande. Avec La Taupe, Thelma, Dédé. Leur lieu c’est La Cave. Ambiance teuf avec bedos, 1664, téquila, humous, tarte munster, stroboscopes et bien entendu musique. La play list est indéniablement variée : années 80 (Cure, Dépêche mode) mais aussi pop scandinave ou encore le très approprié Dogs days (Canicule) de Florence + the Machine.

Ils y fêtent en particulier leurs combats. Réussis ou non. Notamment une action d’éclat contre la centrale nucléaire voisine.

Hélène Laurain dit aimer des contre récits. Des fictions qui pulvérisent les vérités officielles. Partout le feu part du récit d’une ado devenue grande chavirée par “Wild plants” le film qu’elle regardait avec sa mère malade. Une mère qui disait “faut quand même essayer de voir le beau dans toute cette merde”. Mais Laetitia ne veut pas seulement voir le beau. Elle s’évertue à le préserver. Et la terre, la vie avec. Dans une folie symbolique, quand les flammes menacent de le détruire, elle en allume une immense. Pour les réseaux sociaux. Alors le feu de la lutte climatique sera, peut-être, partout.

INFOS

Partout le feu

Hélène Laurain

Éditions Verdier https://editions-verdier.fr/

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