Marx et les orchidées de Vidya Narine

Marx et les orchidées de Vidya Narine. Dans ce premier roman, Orchidéiste, l’auteur reconstruit l’histoire du capitalisme à travers la fleur des riches en croisant écologie et héritage. Avec force et délicatesse. Une belle découverte de la rentrée littéraire !

Ce n’est pas la main d’Adam Smith, celle du marché, qui délicatement écarte les orchidées “au sexe béant (…) aux ailes de soie mouchetée, vulves oranges comme des cris ou tendres comme le poitrail du colibri”. C’est celle de Sylvain Dubois devenu orchidéiste par hasard. Ou peut-être plus précisément par le dessin secret du vent ou d’un insecte. Caprice qui l’a enraciné là comme une graine dans cette minuscule boutique du Palais Royal.

Avant lui ses ancêtres certes butinaient. Le blason familial est d’ailleurs une abeille. Mais ils pollinisaient à coup de fer et de charbon une terre qu’il bétonnaient et s’en allaient aspirer de leurs dards prédateurs les nectars d’autres terres qu’ils laissaient exsangues.

Sylvain Dubois ou plutôt Sylvain du Bois des Aulnays a rompu avec sa lignée, comme son père avant lui, et monté sa propre affaire. Quinze plus tard l’orchidédiste habite un corps qui souffre comme celui d’un accidenté de la route et veut transmettre son héritage. Mais Hugo, son bras droit, refuse. L’histoire se répète.

Marx et les orchidées : métaphore du capitaliste signée Vidya Narine

Marx, Engels et cie n’ont rien vu. L’essence du capitalisme, plus value, l’accumulation, la propriété privée des moyens de production s’incarne dans une orchidée. Avec Orchidéiste, Vidya Narine déconstruit le récit historique et le reconstruit à travers une merveille de 80 millions d’années et 30 000 variétés. L’orchidée, cette fleur des riches, cette fleur du capitalisme sur laquelle elle a enquêté à travers thèses, archives, livres spécialisés, visites de serres en Europe et au Sénat.

On retrouve ses recherches et la rencontre avec un esthète botaniste dans ce livre à la force délicate.

Diplômée de l’École du Louvre et ex professionnelle de la mode l’autrice raconte son histoire sur un ton stylé, visuel mais aussi puissamment évocateur. De l’écriture et de la construction en tableaux résultent un récit qui sonde les profondeurs de l’humain. Cet humain qui détruit pour toujours croitre. Cet humain qui épuise les richesses de la nature pour accroitre celles de ses sociétés et de ses intérieurs parés d’orchidées. Mais aussi cet humain qui peut dire non. Comme le père du narrateur, héritier de princes de la mondialisation, qui s’est suicidé car il ne pouvait supporter le poids de cet héritage.

Monde à vendre comme une orchidée Phaleanopsis

À travers ses courts chapitres la romancière nous ballade dans le temps et dans l’espace. De la Pangée au compte Instagram d’une ambassadrice Dior, du massacre des Aztèques aux salons de l’Élysée, de la médecine chinoise aux crèmes Guerlain, la marque à l’abeille. Ou encore des expéditions des botanistes anglais du XIXe siècle à celle des commandos français du nouveau millénaire.

En définitive, Vidya Narine après avoir déconstruit et reconstruit l’histoire du capitalise avec ses orchidées adapte les analystes marxistes. La rescapée du Miocène alerte sur le progrès compris comme une accumulation et un pillage des richesses. Un modèle qui génère misère et désastre écologique.

Il faut très vite trouver des alternatives. Car le monde, suggère l’autrice, est à l’envers. Comme la Phaleanopsis qui pousse naturellement pendue dans le vide et que l’on vend droite et soutenue par des tuteurs.

Une belle découverte de la rentrée littéraire !

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Orchidéiste

Vidya Narine

Éditions Les Avrils

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