Sarek un polar sur les crêtes de la psychose

Sarek un polar sur les crêtes de la psychose .Ulf Kvensler fait monter la pression au fil de l’escalade de la montagne suédoise. Le nature writing chemine avec l’analyse psychologique. Glaçant et hautement addictif !

Deux couples partent pour une randonnée en montagne. Au Sarek. En postface Ulf Kvensler, randonneur lui-même, écrit “Dans l’ensemble, je déconseille de se rendre au Sarek sans une grande habitude de la montagne (…) Il faut aussi se procurer certains équipements”.

Partir en Laponie dans un environnement aussi grandiose qu’hostile n’était pas prévu. Anna, son compagnon Henrik et sa meilleure amie Milena s’offrent, chaque année, une virée en montagne. Mais cette fois Milena, l’éternelle célibataire, a un crush Jacob. Et c’est lui qui décide. L’ambiance est d’emblée plombée.

Quelques jours après le départ, Anna se réveille dans un hôpital. Blessée et en état de choc. Elle déclare aux enquêteurs être la seule survivante. Qui a tué. La montagne ou un humain ?

Relations toxiques et emprise : des crevasses aussi dangereuses que celle du Sarek

La structure se construit presque totalement autour du récit d’Anna entrecoupé d’interrogatoires de police et de flashbacks. Ceux de sa rencontre dix ans plus tôt avec Henrik qu’elle a choisi comme Orateur du jeudi, une manifestation festive de la fac d’Uppsala. Ou encore ceux d’un week end en famille avec un père alcoolique et toxique. Les failles dans le récit comme ses souvenirs font alors surgir d’inquiétantes balises.

Anna est une brillante et charismatique avocate. Milena s’avère en revanche beaucoup moins solaire. Mais qui est la plus solide des deux ? Celle qui a conquis Henrik le prof de droit constitutionnel le plus populaire de la fac, aujourd’hui en crise existentielle. Ou celle qui l’a présenté à Anna. Et qui est le trouble et séduisant Jacob ? Un consultant de haut vol, un magouilleur ou/et un pervers narcissique qui manipule une Milena sous emprise ? C’est du moins la version d’Anna.

Ulf Kvensler analyse les mécanismes de l’emprise. Celle du psychopathe comme du dominant-dominé. Les relations toxiques interrogent aussi la résilience. À quel point se remet-on des traumatismes ? Il effleure également des relations de classes. Quant à la la fin, elle reste ouverte. Comme une béance sur les abimes peut-être de la vengeance et de la culpabilité. Des crevasses aussi dangereuses que celles du Savek.

Une intrigue qui va crescendo comme la randonnée dans une nature toute puissante

L’intrigue de ce premier roman installe une terreur en crescendo. En écho aux caprices et aux piège de la montagne. Le temps idyllique passe à la neige avant une pluie glacée. Anna et Henrik se perdent et se blessent près une altercation avec Jacob. Les arrêtes de la montagne se font se plus en plus piquantes tandis que les courants des torrents répondent à la pression croisante entre Anna et Jacob.

Ulf Kvensler rappelle que la nature n’est pas un parc d’attraction. Il souligne par ailleurs que les humains ont oublié la faim et le froid. Le quotidien des chasseurs cueilleurs encore présent dans de grandes zones (en particulier la faim). Pour se donner du courage Anna se répète une contine dérisoire ” Voici une troupe victorieuse, malgré la faim, malgré le froid”.

Mais Sarek est aussi un livre qui célèbre la beauté de la nature.

“Au dessus du grand lac les nuages commencèrent à se disperser, à l’ouest le ciel était à présent d’un bleu éclatant. Sous nous, les vagues brillaient au soleil. L’eau s’étendait loin au nord-ouest, se divisant en une une multitude de petits lacs plus petits. Le sol semblait lacéré, comme un sac plastique déchiré. Bientôt nous avons de nouveau survolé la terre ferme et des paysages de plus en plus vallonés. La végétation virait du jaune et rouge. Nous traversions à présent le parc national de Padjelanta (…) À des dizaines de kilomètres j’apercevais Sulitelma, le grand massif montagneux à la frontière entre Suède et Norvège. Au plu près sur notre gauche, nous avions l’Ahkka. Les rayons du soleil se reflétaient sur les glaciers, dont les extrémités étaient reliés par des crêtes escarpées (…) la vue était à couper le souffle”.

Ulf Kvensler est acteur et scénariste. Dans Sarek il livre un scénario glaçant qui ne laisse aucun répit et nous fait réviser relations toxiques et psychoses au coeur de la somptueuse montagne suédoise.

INFOS

Sarek

Ulf Kvensler

Éditions de La Martinière https://www.editionsdelamartiniere.fr/

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