La haine des clans expose les guerres de religion au musée des Invalides
La haine des clans expose les guerres de religion au musée des Invalides. L’exploration de 40 ans de conflits où l’art de la fête et de la diplomatie coexistent avec la violence brute des massacres, des assassinats et la finesse tortueuse d’une guerre de communication.
Quand on évoque les guerres de religions qui ont déchiré la France entre 1559 et 1610 on pense immédiatement au massacre de la Saint Barthélemy. Mais derrière cet événement sanglant et traumatique qui a marqué la mémoire collective, se cache avant tout des rivalités claniques qui remettent en question le pouvoir royal.
Scénographie en armures
Le musée des Invalides met en scène les principaux protagonistes de ce drame à travers ses fonds, très riches, et des prêts exceptionnels. Pour planté le décor les Guise, Valois, Montmorency, Bourbon-Condé se tiennent d’emblée droits dans leurs armures. « Les armures sont moulées sur les corps » précise Olivier Renaudeau co-commissaire de l’exposition et conservateur en chef du du patrimoine. « On peut ainsi remarquer un Montmorency bien gracile face au colosse de Guise ». Pour mémoire et schématiquement les Guise conduisaient la ligue catholique ultra conservatrice tandis que les Condé défendaient la cause protestante et que les Montmorency se situaient dans une ligne modérée.
Sur les armures on discerne délicatement sculptés les signes de l’appartenance à une religion ou à une autre.
« Nous avons choisi une approche thématique car le parti pris historique avec ses 8 guerres confuses et ses périodes de paix aurait été trop fastidieux » explique Olivier Renaudeau.
L’exposition a néanmoins mis en place un dispositif multimédia qui présente chaque chef(fe) de famille-clan et retrace l’historique des guerres de religions entre la mort dans une joute en 1559 d’Henri II roi tempérant et l’assassinat en 1610 d’Henri IV.
Bible, verre, monstrance : trois objets reflets d’une foi déchirée
En 1521 le moine allemand Martin Luther publie 95 thèses qui défient la catholicisme et trouve un écho en France. Plus tard une série d’attentats commis contre des statues de saints puis, en 1534, l’affaire des placards – des affiches contre la messe qui circulent jusque dans les résidence royales- enfoncent le clou de la discorde. Une discorde qui s’organise et s’amplifie. En 1541, Calvin met ainsi en place une église reformée française depuis Genève. Mais le roi Henri II qui oscille entre tempérance et sévérité et négocie des alliances avec les princes protestants joue encore les coupe-feux. Sa mort va allumer le brasier de la haine des clans.
Trois objets exposés symbolisent la foi déchirée. Une bible calviniste, un verre, une monstrance.
« Les protestants réclament une reforme de l’écriture, une redécouverte des textes sacrés, la sainte Bible écrite dans leur lange » rappelle Olivier Renaude. « Ils rejettent les saints comme intercesseurs. Ils refusent également l’eucharistie catholique. La présence spirituelle dans le vin et le pain oui, la corporalité non ». L’exposition met ainsi en regard une Monstrance catholique et un verre aux hallebardiers.
Gravures, tapisseries, pamphlets : témoignages de massacres et guerre de communication
Morgan Varin, co-commissaire traverse un passage séparant deux larges vitrines qui de part et d’autre montrent les armes de l’époque. Une incarnation de la violence des combats. Direction l’espace dédié aux tapisseries et aux gravures. Une impressionnante reproduction du massacre de la Saint-Barthélemy tapisse le mur. Les horreurs de la Saint-Barthelémy sont le point culminant de la violence des guerres de religion. Elles débutent par les saccages de lieux et d’objets liés au culte catholique par les Huguenots. Les catholiques y répondent par des massacres comme à Vassy le 1er mars 1662, événement dramatique qui marque pour les catholiques le début de la première guerre civile. Et de 40 ans d’affrontements en France.
La Saint-Barthélemy débute le 24 août 1572 par le massacre des chefs protestant dont celui de l’Amiral de Coligny représenté à plusieurs endroits et à plusieurs étapes de l’assassinat. « Il se poursuit par la tuerie des Parisiens par la milice. On compte 3 000 victimes à Paris et 10 000 en France. L’événement a un retentissement international » explique Morgan Varin.
Elle liquide ensuite les légendes noires. « Ici est exposé le fusil de Charles IX mais dire que le roi a tiré semble indéniablement très fantaisiste. D’autre part il est également fort improbable que Catherine de Médicis ait participé aux massacres ».
L’exposition insiste sur l’aspect médiatique de la guerre. « Avec le développement de l’imprimerie, le papier, l’estampe ont été beaucoup utilisés. Les caricatures ciblaient le peuple, les publications les lettrés » précise Olivier Renaudeau. « La rumeur et le mensonge étaient également très répandus ». Bref, une guerre médiatique avec ses fake news version XVIè siècle.
Diplomatie du mariage et art de la fête
Cinq familles rivalisent, se partagent le pouvoir, vont « s’aimer, se haïr, s’assassiner. Mais la diplomatie, reste active » note Olivier Renaudeau.
La disparition d’Henri II sans descendance ouvre en effet une ère où les grandes familles vont s’affronter pour s’emparer du conseil royal, le Gouvernement. On remarque des portraits de personnages clef comme celui du cardinal de Lorraine par Le Greco ainsi que des Caron peintre incontournable de l’époque.
De son côté la Couronne tente de maintenir la paix. Ainsi Catherine de Médicis essaie une médiation religieuse entre catholiques et protestants au Colloque de Poissy de 1561. Échec. Michel de L’Hospital essaie de remédier à cette crise en promulguant l’édit de janvier 1562, qui autorise le culte protestant dans les villes closes.
Mais Catherine de Médicis va surtout développer une double diplomatie : huguenotte et matrimoniale avec l’art et la fête en toile de fond. Elle marie ses enfants à des fins stratégiques. Un maillage d’alliances européennes et intérieures pour renforcer le pouvoir royale et apaiser les tensions communautaires. Ainsi elle organise les noces de Charles IX et Élisabeth d’Autriche. Et surtout celles du futur Henri IV et de Marguerite de Valois.
Les mariages et les voyages à travers la France sont également l’occasion de fêtes qui parallèlement au mécénat de Catherine de Médicis valorise l’image de la Cour.
L’exposition La Haine des Clans restitue avec richesse et diversité le contexte, les enjeux et l’atmosphère des guerres de religion, cette « part sombre de la Renaissance » marquée par deux régicides.
INFOS
La haine des clans. Guerres de religion, 1559-1610
Musée de l’armée Invalides https://www.musee-armee.fr/
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