Expo sur l’art des cheveux et des poils au MAD
Expo sur l’art des cheveux et des poils au MAD .Une décoiffante exploration de l’histoire de nos pilosités, reflet des ambivalences, des normes et des transgressions.
« L’histoire du corps en Occident s’est plutôt concentrée sur le corps de la femme. On disait que la femme devait être belle et que l’homme devait être terrible. Mais l’homme n’a pas échappé pour autant aux diktats de la mode » déclarait Denis Bruna lors de l’exposition La mécanique des dessous. Des Cheveux et des poils poursuit cette exploration du corps et des apparences.
Une exploration foisonnante du XVe siècle à nos jours qui présente plus de 600 œuvres dans des univers très différents tout en mêlant les médiums.
On passe ainsi de thématiques attendues comme la coiffure dans la mode à des approches plus freakies comme la pilosité atypique telle celle de la femme à barbe.
Dans ce grand brassage des usages et des regards un documentaire renseigne sur le commerce des cheveux offerts aux dieux hindous et revendus aux entreprises tandis que photos et instruments montrent les premiers moments de la coiffure moderne (sèche-cheveux Wella).
Les calendriers des Dieux du Stade se liguent avec l’iconique Origine du Monde de Courbet pour symboliser cet obscur objet du désir et du rejet qu’est le poil.
Mais ce foisonnement est organisé. Il comprend cinq sections dans une atmosphère de blonds, de bruns, de roux qui évoque les principales couleurs de la chevelure. L’exposition se clôt par un feu d’artifices de créations. Un manteau de postiches blonds signé Martin Margiela, une veste perruque rousse hommage à Sonia Rykiel ou encore une incroyable création de l’incroyable Jeanne VIcerial.
Histoire de poils : mode et morale
Mais tour d’abord on cadre. Pas un cheveu ne dépasse en effet dans la première partie dédiée à l’histoire de la coiffure. Car il s’agit dans les civilisations gréco-romaines et judéo-chrétiennes « d’éloigner l’homme de la bête ». Cachez vite ce poil que je ne saurait voir !
Vade retro donc femme de mauvaise vie en cheveux et barbu sinon satyre du moins créature des bas fonds. « Au Moyen-Âge, obéissant aux commandements de Saint-Paul, le port du voile s’impose aux femmes jusqu’au XVe siècle » rappelle Denis Bruna commissaire de l’exposition. Mais celles-ci s’en émancipent et répondent à l’austérité religieuse par l’extravagance de la cour.
Poufs, girafe ou Pompadour : les folles extravagances
Résultat ? Des coiffures « Hurluberlu » de Mme de Sévigné ou « à la Fontanges » (maitresse de Louis XIV). Des inventions frisotantes sur les côtés façon mouton avec chignon à l’arrière. Un grand pas de plus dans l’excentricité est franchi vers 1770 avec la mode capillaire des poufs. Imaginées par le coiffeur Léonard-Alexis Autié, ces folles extravagances faites d’une armature de métal permettent tous les excès. Marie-Antoinette, reine des influenceuses de l’époque, enchaine des coiffures échafaudages qui s’inspirent d’évènements historiques, mondains ainsi que de la nature On retient notamment la coiffe Belle Poule, hommage à la frégate de Layette, qui pose un navire sur le bonnet.
Puis au XIXe siècle vient le temps des coiffures alambiqués « à la girafe » (construction faite de coques, nattes, couettes), en tire bouchon (agencement de boucles) ou encore « à la Pompadour » (cheveux surélevés sur front bombé). Une vidéo tuto avec des comédiens en costume d’époque explique la construction de cette coiffure.
Modes masculines : entre glabre et super pilosité
Et les hommes ? Comme dans « La mécanique des dessous » Denis Bruna souligne les strictes frontières des genres. On le répète la femme devait être belle et l’homme redoutable. Alors on passe au XVIe siècle du glabre du Moyen-Âge à la barbe symbole de courage. Les très jeunes monarques d’Occident, François Ier, Henri VIII et Charles Quint affichent leur pilosité faciale. L’histoire du poil reprend ensuite cette alternance du sans et du avec. L’exposition note que le XIXe siècle a été le plus poilu de l’histoire des modes masculines avec la totale barbe-moustache-favoris. Aujourd’hui la barbe des hipsters de la fin des 90es laisse doucement la place à la moustache.
Normes et transgressions
La couleur a longtemps été un marqueur social. Le blond de l’innocence, le brun de la femme au caractère affirmé, le roux des sorcières et des prostitués. Quant à la coiffure elle s’inscrit également dans la sociologie. Ruptures de l’adolescence avec les crêtes punks et les longueurs grunges. Mais aussi affirmations politiques avec les modes afro et hippies.
Des métiers au poil
L’évolution des modes se double d’une émergence d’outils. L’exposition consacre toute une section aux métiers, aux accessoires, à la publicité, Wella étant à l’honneur. On découvre ainsi tondeuses et crèmes dépilatoires du début du XIXe siècle, moment où le corps des femmes de dévoile.
L’histoire du poil est celle d’un ballet entre ce que l’on montre et ce que l’on cache. On cache surtout les cheveux blancs et la calvitie. Crème colorantes côtoient perruque et postiches. Perruques iconiques d’Andy Warhol et avant lui de Louis XIV victimes d’une perte prématurée de cheveux. Derrière les produits et les accessoires toute une industrie pose ses jalons.
Car le cheveu et le poil sont également affaire de professionnels. De la teinture comme Alexis Ferrer qui réalise des impressions digitales sur des vrais cheveux crantés. Et du poil en général. C’est-à-dire barbier, barbier-chirurgien, étuviste, perruquier, coiffeur de dames … Dans se secteur en plein développement les coiffeurs stars apparaissent. Les sœurs Carita, Guillaume, Antoine, Alexandre de Paris qui coiffe les célébrités. Aujourd’hui ce savoir faire à la française est notamment incarné par Christophe Robin ou encore Rodolphe.
L’art et la mode
Le cheveu et la poil semblent intrinsèquement liés à la mode. D’ailleurs la haute coiffure voit le jour en 1945.
L’exposition passe donc en revue les coiffures cultes des XXe et XXI e siècles. Avec le chignon 1900, la coupe à la garçonne des années 20, les cheveux permanentés-crantés des années 1930, la choucroute des années 1960. Mais aussi les cheveux longs des hippies, les looks king size des 80es, les dégradés de la décennie suivante et le nappy hair.
Parmi les invités Sam McKnight, Nicolas Jurnjack et ses surprenantes sculptures capillaires hérissées ou en forme de renard ou encore Charlie Le Mindu auteur de la coiffure Blonde lips. Tous réalisent les coiffures pour les célébrités et les tops lors de fashion weeks.
Des coiffures mais aussi des vêtements en cheveux. Lady gaga a ainsi commandé 25 tenues à Charlie le Mindu.
En fin de parcours les couturiers s’allient aux coiffeurs-artistes. Marisol Suarez collabore avec Martin Margiela, Sam McKight chemine avec Vivienne Westwood et Karl Lagarfeld. Plus récemment, Victor Weinsanto revisite avec le coiffeur Kevin Jacotot la petite robe noire pour en faire une création toute en touffes de cheveux.
La question du genre est bien présente ici ou en filigrane tout au long de l’exposition.
INFOS
Photo principale Marisol Suarez Perruque tressée 2010
Des cheveux et des poils
Musée des Arts décoratifs
107 rue de Rivoli Paris 75001
Jusqu’au 17 septembre
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