Le Parcours des Mondes : les arts premiers en plein air
Le Parcours des Mondes : les arts premiers en plein air à Saint-Germain-de-Prés. Le salon présente 58 galeries avec des temps forts comme les expositions sur le mystérieux art sibérien, les armes africaines ou encore les masques Janus. L’intervention d’artistes contemporain(e)s comme Coco Fronsac, Vitshois Mwilambwe Bondo, King Houndekpinkou donne une touche d’onirisme, de poésie et de mythologie revisitée à cette 22e édition.
Créé en 2002 le Parcours des mondes est un salon international pointu autour des arts d’Afrique, d’Océanie, d’Asie mais aussi d’Europe et des États-Unis. La manifestation germanopratine accueille marchands et collectionneurs exposants. L’édition 2023 déploie 58 galeries venues de 12 pays autour de 25 thématiques. Président d’honneur : Stéphane Martin à la direction du Quai Branly entre 1998 et 2020.
Déambulation dans un musée à ciel ouvert
Le Parcours des Mondes est une « alternative » à la FAB Paris (1) en forme de déambulation à travers un musée à ciel ouvert dans le très arty Saint-Germain-des-Prés. Le soir de l’inauguration les curieux de tous âges poussaient la porte des galeries entre un Spritz et une pita en terrasse. Le public était néanmoins plus proche de la post retraite que de la start up. L’art premier est en effet moins trendy que les expo immersives en réalité augmentée.
Il y également la question du prix. « Toutes ces formes c’est super. Mais ça doit être cher » réagit un jeune couple en Birkenstocken en visite à UNÛ, l’exceptionnelle exposition d’armes africaines de Jacques Billen. On lit par ailleurs 24 000 euros pour un certes admirable bouchon de calebasse camerounais en vitrine de la Montagut Gallery. Pas évident pour un primo-collectionneur. « On trouve des pièces à partir de 1 000 euros » modère Jean-Bernard Debie, président du Parcours des Mondes.
« C’est la première fois que je viens. J’ai vécu à Bornéo et ailleurs en Asie. J’aime cet art » explique une soixantenaire très chic qui s’interroge. « Devant toutes ces pièces partout dans le quartier, je suis un peu dubitative. Ce sont des choses qui auraient peut-être dues rester chez elles. D’un autre côté elles ne se seraient sans doute pas conservées ». Éternel et très actuel débat sur marché des arts premiers.
La Parcours des Mondes couvre les arts premiers parfois revisités par l’art contemporain et intègre l’art archéologique. Le principe : les marchands louent des galeries dans le quartier et y exposent leurs œuvres.
La 22e édition comprend évidement quelques temps forts. Tour de piste sélectif !
Le mystère de l’art sibérien
Qui connait l’art sibérien ? A priori peu de monde. Du moins en Europe Occidentale à l’exception de la Scandinavie. Proximité géographique, histoire et commerce obligent. La France, qui est vue comme la capitale des arts premiers selon Jean-Bernard Debie, a préféré la Méditerranées et les zones élargies couvrant ses anciennes colonies. Résultat : une exploration marginale des arts du monde nordique.
Notons toutefois la présence de la Tischenko Gallery, une galerie finlandaise spécialisée dans l’art du Nord et surtout l’exposition du collectionneur flamand Karim Grusenmeyer. L’enthousiaste galeriste parle de ses recherches parmi des centaines de textes slaves afin de décrypter les mystères de la mythologie sibérienne. « Il n’y as pas de consensus. Les spécialistes ne s’accordent que sur peu de choses. Les débats sont rudes, presque physiques » confie Karim Grusenmeyer. Bref on se fight entre docteurs en art eurasien.
Le collectionneur avance néanmoins quelques éléments de décryptage. Ainsi chaque individu aurait cinq âmes. À la mort, les cinq âmes seraient accompagnées dans l’au delà par un oiseau. De même le renne aurait une signification céleste.
Dans son exposition sur l’art chamanique sibérien et le temps cyclique on retrouve ces symboles. Les pièces sont généralement de tout petits formats. Animaux témoins que l’intrication entre l’homme, la nature, les divinités. Mais aussi des visage très stylisés qui rappellent des Giacometti ou des Modigliani.
Enfin une pièce magnifique de Jean Bilquin représentant un renne donne une touche contemporaine à cette exposition de 100 pièces.
Grusenmeyer et Woliner https://grusenmeyer-woliner.com/
L’art premier revisité par l’art contemporain
Le Parcours des Mondes s’ouvre à l’art contemporain en 2013. Dix ans plus tard on distingue outre l’exposition de Karim Grusenmeyer, la galerie Claes Contemporary qui propose le très surprenant artiste congolais Vitshois Mwilambwe Bondo et la galerie Tischenko qui montre l’onirique inquiétant de Coco Fronsac.
De son côté la galerie Valois met en avant des artistes béninois. Pantalon de laine et veste asymétrique King Houndekpinkou répond aux questions. Il est précis, direct dans « sa tenue de vernissage ». Pourquoi la céramique ? Grâce à une rencontre lors d’un voyage au Japon en 2012 et à l’enseignement de Shibuta Toshiba. King Houndekpinkou est conquis par les « ponts culturels entre entre la spiritualité de la céramique japonaise ancestrale et celle de l’animisme et du vaudou« .
Le jeune artiste ne revendique aucune influence. « J’ai grandi en banlieue dans un cadre notamment scolaire qui ne me valorisait pas. Je n’ai pas fait d’école d’art. En travaillant l’argile, je travaille une matière qui résulte de l’érosion des roches, du passage du temps. Une matière qui en sait plus que quiconque. Alors j’aime l’idée d’être valorisé par l’argile« . Dans les œuvres de King Houndekpinkou on voit la maitrise du travail du feu tandis que les couleurs lance des émotions. Et puis il y a la poésie des noms. Dans la galerie on peut notamment découvrir Une jetée splendide … de Larmes Givrées. Une œuvre ogive qui conjugue épure japonaise et tourbillon africain dans un glaçage bleu et blanc de grès et d’argiles cerclé de boules d’or. Une larme rivière.
Galerie Valois https://www.galerie-vallois.com/
L’expo minimaliste de Marguerite de Sabran
Le minimaliste, cette fois-ci de circonstances, se retrouve dans la micro exposition de Marguerite de Sabran. À l’occasion du Parcours des Mondes l’ancienne cheffe du départements des arts d’Asie et d’Océanie de Sotheby’s ouvre un espace où vivent quatre œuvres. Y règne une pièce majestueuse. Une sculpture bois surpatinée de suie. « C’est un Janus, un masque haume Bangwa (Cameroun) de 6 kg qui ne se portait pas mais se posait sur l’épaule » explique la collectionneuse qui semble en état de grâce. « Il était conservé par un collectif composé des plus hauts dignitaires. Ceux qui éduquaient et élisaient le futur roi ». Ceux qui jugeaient aussi. C’est la double face, celle de Janus.
Nicolas Andrin : le recalé frondeur du Parcours des Mondes
Le Parcours des Mondes met à l’honneur Stéphane Jacob. Mais on salue l’initiative de Nicolas Andrin. Refusé au salon il a créé son propre parcours. Et c’est très réussi. Sur trois galeries rue de Seine des centaines d’œuvres dont de rares tableaux des années 70, des créations organiques et des pièces des plus grand(e)s comme Sally Gabori.
C’est un petit musée que l’on découvre avec des pièces de toutes les époques scénographiées parfois sous des voutes et parfois façon Ali Baba. Des cerf-volants issus de la commande de Paul Eubel pour l’Exposition Universelle de Séville en 1992, des peintures sur écorces de la terre d’Arhem avec leurs célèbres Rarrks, des Judy et des Maggie Watson, des œuvres du collectif APY célébrées récemment dans Songlines au Quai Branly ou encore celles des artistes de Papunya, berceau de la peinture aborigène au début des années 70.
« J’ai des œuvres à 500 euros » précise Nicolas Andrin passionné, érudit … et très bon vendeur.
Aborigene Galerie https://www.aborigene.fr/
(1) FAB Paris : ex Biennale des Antiquaires et salon Fine Arts Paris
INFOS
Programme du Parcours des Mondes https://www.parcours-des-mondes.com/
Du 5 au 10 septembre
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