Art Henry Cros l’enchanteur oublié au MAD

Art Henry Cros l’enchanteur oublié au MAD . Une exposition pour découvrir un artiste complet, dessinateur, sculpteur, peintre et céramiste dont les créations dégagent une singulière étrangeté teintée de rêverie symboliste.

Le musée des Arts décoratifs réunit une centaine d’œuvres d’un artiste né la même année que son ami Rodin et dont Antoine Bourdelle disait qu’il rassemblait “toute l’Antiquité dans une âme nouvelle ». L’exposition compte cinquante dessins et une trentaine de sculptures en verre, cire, terre cuite, bronze et marbre issues des collections du musée.

Henry Cros Autoportrait 1889 – Wikipédia

Henry Cros (1840-1907) est le petit dernier d’une fratrie fantasque et assoiffée de culture. Il y a d’abord Charles Cros, inventeur et poète au souffle pré-surréaliste. Puis le médecin Antoine Cros qui se déclara dernier souverain du royaume d’Araucanie et de Patagonie. La fratrie fréquente les cercles arty des années 1860-1870. Henry Clos est ainsi proche de Manet, Verlaine et des Parnassiens. Il côtoie également Pierre Cécile Puvis de Chavannes et sans doute les Nabis ce qui peut expliquer le symbolisme qui imprègne ses œuvres.

Henry Cros est précoce. À 14 ans il commence à peindre. Il suit l’enseignement des sculpteurs François Jouffro et Antoine Étex ainsi que du peintre Jules Valadon à l’École des Beaux-Arts de Paris. Il débute au Salon de 1861 en présentant un buste de son frère Charles Cros. La fratrie toujours. Deux ans plus tard, en 1863, il participe au Salon des refusés en exposant trois plâtres. Entre 1869 et 1880, les critiques remarquent ses recherches. Il s’affirme autant comme technicien de la matière et des couleurs que comme créateur d’atmosphères. Avant de tomber dans l’oubli. L’exposition du musée des Arts décoratifs braque une nouvelle lumière sur cet artiste polymorphe et polychrome.

La modernité d’Henry Cros : cires et pâte de verre

La Venus aux hippocampes Henry Cros vers 1897

“La redécouverte de la sculpture du XIXe siècle est récente et, jusqu’à récemment, se limitait à Rodin et Bourdelle” rappelle le commissaire Jean-Luc Olivier. “Pourtant, Henry Cros a ouvert de nouvelles voies. On le voit notamment avec “La Vénus aux hippocampes“. Sa modernité se lit notamment dans son rapport aux nouvelles matières”.

Henry Cros va en effet explorer la cire, la terre cuite, le verre, le marbre, le bronze. Les œuvres en cire et en verre restent néanmoins les plus troublantes. Et les plus cotées.

La cire perdu et la peintre à l’encaustique pour un Moyen-Age de légende

Promenade au Salon 1874 Henry Cros

Henry Cros crée des sculptures en cire puis en peinture à l’encaustique très raffinées. Ces techniques sont connues dès l’Antiquité grecque. Au Moyen-Âge comme et à la Renaissance les artistes y ont recours pour illustrer les tumultes de la vie de cour. Henry Cros teinte dans la masse. Parfois y insère des perles. Il sculpte des bustes et des reliefs qui reflètent un Moyen Age de légende.

Ainsi Le Prix du tournoi, représente une aristocrate à la tribune qui, avec ses dames de compagnie, semble regarder un combat de chevalerie. L’exposition du MAD exhibe La Promenade (1874) où deux femmes en habits de la première Renaissance déambulent dans une nature irréelle. “Cette scène est la plus grande composition en cire de Cros et une des rares représentant des personnages en pied (…) L’œuvre est typique de “la mise au point” que Cros utilise, incluant des cabochons de verre pour présenter les bijoux des premiers plans”. La délicatesse côtoie l’imaginaire. La muse d’Uranie, encaustique sur panneau de bois, pointe l’autre référence de l’artiste : le goût de l’antique.

Muse Uranie Henry Cros 1882

L’artiste s’illustre également à la mise au point de la technique de la pâte de verre moderne utilisant l’acide d’oxyde de métal. Un film explique cette nouvelle technique de moulage de poudres de verre polychromes.

Pâte de verre et art du regard

La Flamme Henry Cros vers 1900

Henry Cros abandonne la cire trop fragile et passe par la terre cuite. La cire reste toutefois une base pour ses créations en  pâte de verre. Il crée des masques ou encore des vases faits de cette pâte colorée. Les masques comme La Flamme ou le Sans titre en une de l’exposition dégagent une forte charge émotionnelle. Henry Cros est un artiste du regard. La Belle au bois dormant aux yeux fermés, les dames aux yeux reflétant des mondes imaginaires où se croisent Moyen-Âge et nature art nouveau ou encore les regards des masques, mi-clos sur une intériorité qui déborde, troublent et enchantent.

Onirisme des masques

La nymphe Galatée Henry Cros vers 1900

L’éclairage, particulièrement réussi, donne une profondeur accrue aux regards des masques. À leur détails aussi et à leurs couleurs. Pour le commissaire Jean-Luc Olivier, le Sans titre qui clôt l’exposition atteint “un haut degré d’abstraction avec une fossette qui lui confère une humanité”. Quant à la polychromie elle “assure à l’œuvre une distance qui la distingue d’une représentation mimétique”. Le masque La Flamme de l’Exposition universelle de 1900 comme le Sans titre ont une dimension hypnotique. “Rêve, sommeil et endormissement sont bien présents dans l’œuvre” confirme Jean-Luc Olivier.

Vase pastorale Henry Cros vers 1895-1900

Les vases et les bas-reliefs célèbrent librement l’art nouveau et l’Antiquité dans la sculpture polychrome. Le Vase pastorale ou La Nymphe Galatée en sont les meilleurs exemples. Il s’en dégage une subtile luminosité. Comme l’expression d’une maitrise technique. L’Histoire du Feu, plus grande œuvre en pâte de verre de l’artiste, en est la plus directe expression. Détenue par musée des Arts Décoratifs on peut la découvrir en marge de l’exposition.

Dessins et processus créatif

Dessin préparatoire à la cheminée du prince de Wagram

Les dessins constituent un part importante de l’exposition. Henry Cros dessinait beaucoup en préambule à ses créations. L’exposition puise dans l’important fonds de l’artiste et en tire esquisses, projets, feuilles plus abouties et aquarelles. On distingue notamment son projet (inachevé) de cheminée sur le thème de « L’Espérance de la belle saison » commandé par le prince de Wagram. Ou encore le projet d’aquarelle pour le vase pastorale.

Henry Cros ne voyageait pas précise Jean-Luc Olivier. Pourquoi ? Il n’avait pas de fortune personnelle et n’appartenant à aucune chapelle artistique. Ce qui ne remarque dans ses œuvres. À redécouvrir peut-être à l’occasion de la semaine du dessin.

Infos

Henry Cros (1840-1907) Sculpteur et dessinateur

Musée des Arts décoratifs

Jusqu’au 26 mai 2024

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