Livre Les dimanches de Lydie Salvayre passionaria de la paresse
Livre Les dimanches de Lydie Salvayre passionaria de la paresse . Un pamphlet vitaminé contre le travail, vertu drapeau au cœur de l’actualité politique.
Le curseur levé vers le hastag #balancancetonjob ou #balancetonboss, Lydie Salvayre poursuit le travail d’indignation de « Tout homme est une nuit ». Car rien ne s’est arrangé depuis 2017. Au contraire. Les caresses sur le dos de « La France qui se lève tôt » se généralisent. Emmanuel Macron reprend le slogan sarkozyste, en fait un mantra : « Au travail ! ». Gabriel Attal, son premier ministre, tambourine lui aussi « La France au travail ». Un travail vertu toujours cardinale pour le RN qui caracole dans les sondages. La France se droitise et Lydie Salvayre s’agace. Avec la création de France Travail la fièvre monte et l’écrivaine se met au lit.
Un éloge de la paresse qui s’ancre dans l’actualité mais aussi dans la littérature. Depuis Paul Lafargue et son Droit à la Paresse de 1880 en passant par Eugène Marsan et son Éloge de la paresse de 1926 ou encore par l’Éloge de l’oisiveté de Bertrand Russel en 1830. Ésope ouvre la voie, Thomas d’Aquin évoque la nécessité d’un plaisant repos et Baudelaire en fait une condition de la poésie. Lydie Salvayre cite évidemment l’auteur des Fleurs du mal mais également le conservateur Edmund Burke qui déplorait « un luxe ostentatoire et un hédonisme obscène côtoyant la plus extrême misère ».
« Depuis toujours nous aimons les dimanches » nous offre donc une jolie virée en littérature. Car pour Lydie Salvayre ne rien faire est un art, une position littéraire, comme un acte politique.
La paresse acte politique
Le livre est un pamphlet vitaminé contre les apologistes-du-travail-des-autres. Le prix Goncourt 2014 dézingue le grand capital, les patrons resplendissants du CAC 40. FLI comme Fabien Roussel n’ont qu’à bien se tenir. Lydie Salvayre dynamite le capitalisme avec un verbe rageur et gourmand, parfois nostalgique.
« Depuis toujours nous rêvons de revivre le bonheur de ses journées d’enfance ou une fièvre providentielle nous forçait à garder le lit.
Lydie Salvayre Depuis toujours nous aimons les dimanches p12
Bonheur d’échapper au contrôle de maths, au cours détesté de gymnastique.
Bonheur de ressentir la fraîcheur de la main maternelle se poser sur nos fronts, puis remonter nos draps d’un geste aussi caressant qu’un baiser. Bonheur surtout de découvrir les plaisirs de la lecture, dans de mols oreillers, parfaitement indifférents à tout le reste ».
Libérez les dimanches de la surconsommation
Lydie Salvayre accuse le travail qui produit des choses inutiles, nuisibles à l’environnement et à la santé des humains. Une société de surconsommation qui abrutit au lieu d’épanouir. L’écrivaine préfère la ZAD à l’EPHAD. Thoreau aux influenceurs de Dubaï. Qu’elle ne cite pas d’ailleurs. Peut-être parce qu’il ne sont de d’assez gros poisons, ces auto-entrepreneurs hérauts de la main invisible du marché qui ravage la planète.
« Car les dimanches, Messieurs, en stoppant net le travail :
Lydie Salvayre Depuis toujours nous aimons les dimanches p 82
Font nettement décroître la pollution de l’air, font nettement décroître la pollution des eaux, font nettement décroître la pollution des âmes et tout le jus amer, et tout le ressentiment qui en découlent (…) font nettement décroître les frais médicaux de prise en charge par la sécurité sociale »
Un manifeste psycho anarcho écolo
Lydie Salvayre célèbre le véritable art de vivre : manger, boire, danser, se balader, se cultiver. Car cet art de vivre là est un art de paresser.
Elle revendique par ailleurs un idéaliste qu’elle ancre toutefois dans un programme. « Car paresser n’est pas accepter ou se soumettre veulement, nous vous répétons pour la xième fois ; c’est au contraire prendre le temps de concevoir la meilleure façon de se battre (…) Nous disons juste ce que calmement, posément, nous allons pratiquer dans nos vies quotidiennes, et qui éventuellement quelques uns, ou peut-être beaucoup, s’aviseront de suivre ».
Le programme des dimanches de lutte paresseuse puise dans l’écologie et les phalanstères, dans Fourier, dans Blanqui. Mais aussi dans Nietzsche car le travail :
« use la force nerveuse, dans des proportions extraordinaires, et la soustrait à la réflexion, à la méditation, aux rêves, aux soucis, à l’amour et à la haine, il place toujours devant les yeux un but minime et accorde des satisfactions faciles et régulières. Ainsi, une société, où l’on travaille sans cesse durement, jouira d’une plus grande sécurité : et c’est la sécurité que l’on adore maintenant comme divinité suprême. » (Aurore)
L’écrivaine fait également un détour par la psychanalyse.
« Selon Freud, le travail vise à satisfaire nos besoins, mais aussi et surtout occuper, distraire et faire barrage à cette part pulsionnelle des hommes, cette part sauvage, irrationnelle prête à bondir sur le premier cul qui s’amène ».
Lydie Salvayre Depuis toujours nous aimons les dimanches p 124
Zeitgeist ou flop
Lydie Salvayre a vécu le Covid19 et « le temps d’après ». Un temps qui sentait bon de nouvelles aurores. La grande démission, la quête des sens, le chant des oiseaux à Paris, le slow tourisme. C’était il y a trois ans à peine. Aujourd’hui c’est plutôt le grand pchitt que le grand soir. Recul général sur l’écologie, austérité sociale, nationalisme politique. Alors l’essai drôle bien que convenu de Lydie Salvayre fait du bien.
En revanche on se demande qui peut la suivre. Sans doute pas la mère isolée femme de ménage de banlieue dont elle parle dans son livre. Sans doute pas non plus le commun des jeunes couples qui cherchent désespérément un crédit pour leur rêve pavillonnaire. Le temps est au real estate porn pas au tonneau de Diogène. Les références de la romancière dont fanées comme les cerises de la chanson. Chacun s’accroche à sa fin du mois. Les agriculteurs de la FNSEA et de la Coordination rurale en premier lieu. Le changement climatique et ses bouleversements changeront peut-être la donne. Mais alors le temps ne sera sans doute plus à l’art de vivre x art de penser dans le jardin d’Épicure.
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Depuis toujours nous aimons les dimanches
Lydie Salvayre
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