La mémoire des mers roman écolo de Petra Rautiainen
La mémoire des mers roman écolo de Petra Rautiainen. Un récit qui mêle retour à terre, cheminement psychologique et enquête sur l’exploitation pétrolière en Arctique.
Aapa n’est proche ni des baleines, ni de la mer, ni des traditions kvènes, une minorité du nord de la Norvège. Ce monde lui a en effet pris sa mère, il y a vingt ans, lors d’un accident tragique aux causes encore obscures. En réponse, elle rejette donc terre et rites ancestraux. Et c’est près d’un autre océan, le Pacifique, qu’elle s’investit alors dans l’industrie pétrolière. Changement radical. Passage du blanc, du froid polaire, du silence et de l’eau glacée, aux vibrations chaudes et colorées de la côte Ouest. L’or noir contre le bleu de la mer, histoire du progrès encore à écrire contre mémoire des mers.
Retour à la terre et à l’océan
Dans les années 80, Aapa retourne dans son village du Finnmark pour réaliser un documentaire à la gloire du pétrole. Elle y retrouve ses spectres et se heurte à ses peurs. Elle, l’anti-héroïne au corps à la dérive, à l’esprit imbibé d’alcool et de fantômes, rongée par le passé et une promotion qui tarde à venir.
Autour d’elle, sa tante installée dans une roulotte mais gardienne d’un monde de filets et de pêcheurs de baleines. À l’hôpital, sa grand-mère à l’agonie. Une mémoire qui s’éteint. Le passé s’invite à travers des objets du quotidien, les ambiances arctiques, la langue autrefois interdite, aujourd’hui de moins en moins diffusée à la radio. L’exilée volontaire rencontre aussi les anciens et les jeunes kvènes. Certains beaucoup plus investis qu’Aapa dans la défense du monde de la mer. Il y a aussi Henrik Larsson, le foreur iconique du pays, celui qui a trouvé le premier gisement près de Stavanger. Aapa le rejette. Comme tout ce qui touche au Finnmark. Comme elle rejette son prénom (Aapa signifie la mer en kvène) et comme elle se rejette elle-même.
Enquête, cheminement psychologique, enjeux climatiques
Le roman croise le journal de bord de la mère d’Aapa, qui meurt en mer lors d’une mission d’étude sur le comportement des baleines, et le récit du retour de la jeune femme dans son village natal.
La découverte du journal fait écho à certaines recherches scientifiques. Les baleines sont ainsi désorientées par le bruit des forages pétroliers à grande échelle. La longue silhouette brumeuse de la baleine sous la glace, celle dont parle le mère d’Aapa, souffrait sans doute des nuisances des exploitations fossiles.
Au moment où le deep mining, le forage en eaux très profondes, est dénoncée par les ONG et les certains scientifiques, La mémoire des mers sonne comme une nouvelle alerte autour des enjeux climatiques.
À la fois enquête et cheminement psychologique, le roman de Petra Rautiainen est aussi une profonde aventure mentale, environnementale et humaine.
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