Expo Oudry pose ses cartons de chasse à Fontainebleau

Expo Oudry pose ses cartons de chasse à Fontainebleau. « Les Chasses royales de Louis XV» présentent pour la première fois, côte à côte, quatre cartons récemment restaurés et des dessins préparatoires ayant servi de modèle aux tapisseries. L’ensemble plonge dans les forêts et les lacs d’Ile-de-France où les limiers traquent le cerf sous la direction du roi et le regard de sa cour. Un spectacle aussi raffiné que sauvage qui trouve son acmé dans les tentures exposées dans la salle de la Belle Cheminée ainsi que dans l’appartement des Chasses. Un voyage aussi dans le trait, le fil et la couleur qui a occupé Jean-Baptiste Oudry pendant treize ans et les restaurateurs-trices des cartons pendant trois années. Magistral !

Le roi chasse

Détail La mort du cerf aux étangs de Saint-Jean-aux-Bois, forêt de Compiègne -1736

Le château de (presque) toutes les architectures célèbre le peintre de (presque) toutes les chasses. Jean-Baptiste Oudry met en scène la passion de Louis XV pour la vènerie (chasse à courre) qui connait un essor sans précédant sous son règne. « Le souverain passait beaucoup de temps à l’extérieur. Il faisait également preuve de curiosité scientifique » explique Vincent Cochet, le commissaire de l’exposition. Empruntant le nom du Premier veneur, Jacques Le Fournier d’Yauville, le roi aurait aussi rédigé des traités de vénerie. Dans la première salle, on découvre ainsi des « têtes bizarres ». Car dissymétrie ou fourrure dans les ramures intriguent Louis XV. Jean Batiste Oudry restitue avec virtuosité variations et velours des bois.

Tous les rois chassent. Mais Louis XV plus que les autres. Jusqu’à trois fois par semaine. « Les dépenses sont colossales. On évoque 1/5 du budget de France » précise Vincent Cochet. Certes la vènerie est le plaisir du roi mais c’est aussi le moyen de mettre en scène son règne. Le souverain chasse notamment à Fontainebleau, le château où « tous les rois ont habité de François Ier à Napoléon III ». Fontainebleau, lieu de chasse favori depuis le XIIe siècle avec plus de 17 000 hectares de massifs forestiers. Les chasses se font selon un calendrier de rotation qui prend en compte l’épuisement des réserves de gibier. La forêt, elle, est trouée.

Jean-Baptiste Oudry peint la gloire du roi

Jean-Baptiste Oudry gagne les faveurs des cercles princiers avec des peintures de chiens. Il séduit ainsi le marquis de Beringhen, premier écuyer du roi, le Comte de Toulouse et le prince de Condé, alors ministre. Ce dernier commande au jeune peintre une trentaine de tableaux. Dans la deuxième salle de l’exposition on trouve les portraits de ces grands de France. Mais aussi de chiens comme les célèbres Misse et Turlu ainsi que Polydor. « Chez Polydor on remarque la musculature, mais le côté animal côtoie la douceur » commente Vincent Cochet. Les portraits de chiens du roi succèdent à une première commande de Louis XV alors âgé de 15 ans : trois chasses au loup, au renard et au chevreuil.

La malice de Jean-baptiste Oudry dans ce détail Mort du cerf cerné par la meute aux étangs de Saint-Jean-aux-Bois, forêt de Compiègne- 1736

Jean-Baptiste Oudry (1686-1755) est l’élève du célèbre portraitiste Nicolas de Largillière, auquel il emprunte le goût de la couleur, de la lumière et du clair obscur cher à l’école flamande. Les trouées de lumière du carton « La mort du cerf forcé par la meute aux étangs de Saint-Jean-aux-Bois, forêt de Compiègne », exposé dans la dernière salle, en témoignent indéniablement. Mais il s’inscrit également dans la ligne du peintre animalier et cynégétique François Desportes qui tempéra le baroque. Oudry ajoute sa touche avec un art du détail et de la malice. Le chien de « La mort du cerf forcé par la meute aux étangs de Saint-Jean-aux-Bois, forêt de Compiègne » en est un exemple.

Vincent Cochet parle de «volutes de chiens qui tourbillonnent» et salue les infinies variations de blancs dans la robe des limiers ou encore des chevaux. Le commissaire va plus loin jusqu’à faire de Oudry le «Malevitech des années 1750″.

Détail La meute de chiens courants allant au rendrez-vous au carrefour de l’Embrassade, forêt de Fontainebleau – 1743

Oudry peintre des chasses – biopic des fastes de la cour

Les scènes de chasse reflètent la vie de cour. Autant sauvage que raffinée. Oudry les restituent en cultivant un art de la mise en scène où le paysage est central avec ses trous et de lumière aux inspirations flamande et ses couleurs soutenues (ciel, rivière, teinte des robes). Tout s’organise autour du roi dont le doigt pointe les éléments marquants de la chasse. « Il y a toujours un rien de décalé, de « non concerné » observe Vincent Cochet. Autour de Louis XV, Oudry peint une cour à l’étiquette stricte. L’exposition montre ainsi un habit de chasse rouge de grand veneur.

Détail carton Cerf aux abois aux rochers de Franchard, forêt de Fontainebleau – 1738
Détail tapisserie Cerf aux abois aux rochers de Franchard, forêt de Fontainebleau

Les scènes où les chiens issus d’une meute d’une centaine de limiers assaillent un cerf sur les rochers (Cerf aux abois dans les rochers de Franchard, forêt de Fontainebleau ) ou dans un lac (Louis XV chassant le cerf à Saint-Germain) peuvent aujourd’hui paraitre cruelles. Rien de choquant pourtant à l’époque où la chasse mettait en scène la magnificence des loisirs du roi et de la cour avec le fourmillement des attelages et la richesse des tenues. Une allégorie également de la puissance guerrière du souverain.

Dessins, cartons, tapisseries le processus créatif de Jean-Baptiste Oudry

Carton Le Botté du Roi, 1735

Après trois ans de restauration, quatre cartons (œuvres préparatoires à échelle réelle qui servent de modèle à la tapisserie) du célèbre peintre animalier regardent leur aboutissement : les tapisseries des Gobelins.

Mais l’exposition « Les Chasses royales de Louis XV» montre aussi le processus créatif de Jean-Baptiste Oudry à l’œuvre dans les chasses de Compiègne, Saint-Germain et Fontainebleau.

Louis XV contrôle, commente. En premier lieu les dessins préparatoires qui regorgent d’études de personnages. On remarque ainsi que l’un d’eux a été modifié. Un chien qui vole sous le coup des ramures d’un cerf (Cerf aux abois dans les rochers de Franchard, forêt de Fontainebleau) ne se retrouve pas dans le carton.

Des cartons sont évidemment impressionnants par leur taille. « La mort du cerf forcé par la meute aux étangs de Saint-Jean aux bois, forêt de Compiègne » mesure ainsi 5,27 m sur 9,91 m pour sur surface de 30m2. Mais ils le sont également par le fourmillement de détails et la densité des couleurs.

Tapisseries Le Cerf aux abois aux rochers de Franchard, forêt de Fontainebleau et Louis XV tenant le limier

On est alors frappé par le contraste entre les couleurs des cartons et le moindre rayonnement pictural des tapisseries. Des tentures « summum de l’art » par leur coût et leur technicité. Afin de restituer la richesse des couleurs des cartons les lissiers multiplient en effet sur une trame en laine et soie les tons et demi tons ce qui « affadie » la tapisserie.

Les Chasses royales de Louis XV occupent Jean-Baptiste Oudry pendant treize ans. De 1733 à 1746. Le roi commande 6 cartons puis 9 car le château de Compiègne gagne en espace.

Le peintre doit par ailleurs assurer les fonction de directeur des manufactures de Beauvais et des Gobelins. Il est aussi nommé professeur à l’Académie royale de peinture et de sculpture.

Oudry et les arts décoratifs

L’exposition Les Chasses royales de Louis XV soulignent l’aura de Jean-Baptiste Oudry et de l’art cynégétique. Les intérieurs princiers et aristocratiques affectionnent les décors de chasse. Tapisseries mais aussi mobilier et vaisselle. On remarque une pièce en argent. Un centre de table de 40 kg. La création de l’orfèvre et sculpteur Jacques Roëttiers de la Tour présente un loup pris au piège hurlant de rage et de douleur. Une transition pour la présentation de l’édition de 1751 des fables de La Fontaine, satire sociale illustrée par les esquisses de Jean-Baptiste Oudry.

                                                                 
                                                                         

L’exposition Les Chasses royales de Louis XV est un témoignage autant artistique que sociologique sur les pratiques d’une époque, celle de Louis XV. Le tout à travers le talent de Jean-Baptiste Oudry à la fois peintre animalier sensible et peintre d’histoire.

INFOS

Château de Fontainebleau, cour d’honneur

OUDRY, PEINTRE DE COURRE
LES CHASSES ROYALES DE LOUIS XV

Exposition du 13 octobre 2024 au 27 janvier 2025

accessible avec le billet d’entrée du château :
14 € | Gratuit pour les moins de 26 ans ressortissants de l’Union européenne

Le château est ouvert tous les jours, sauf le mardi, le 1er janvier, le 1er mai et le 25 décembre.

Site du château de Fontainebleau

D’octobre à mars : 9h30 à 17h (dernier accès à 16h15).

D’avril à septembre : 9h30 à 18h (dernier accès à 17h15).

Le parc et les jardins sont ouverts, dans les conditions habituelles, gratuitement.

Le restaurant est ouvert tous les midis.

Château de Fontainebleau, parc

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