Art Tchâm les confidences de Pascale Marthine Tayou

Art Tchâm les confidences de Pascale Marthine Tayou. Une rétrospective de la Galleria Continua qui reprend les grandes thématiques de l’artiste : mondialisation, environnement, constructions sociales et historiques. Avec de la couleur, des paillettes, de l’humour, et une douceur qui coexiste avec une certaine violence.
Dans la verdure, des impacts colorés. Ce sont les empreintes de Pascale Marthine Tayou sur la façade d’une friche industrielle. De fait, un ticket d’entrée arty pour une rétrospective qui rassemble plus d’une centaine d’œuvres sur 10 000 m2. C’est beaucoup. Ou pas. Car l’ancienne usine de papier de Boissy-Chatel (Seine-et-Marne) où se tient l’exposition couvre 30 000 m2. Tout est donc question d’échelle, tout est relatif, mouvant. Comme les identités. Pascale Marthine Tayou a d’ailleurs ajouté des « e » à ses prénoms pour flouter les genres et se distancer ainsi de la paternité artistique. Il n’y a donc plus ni paternité ni maternité créative mais quelque chose qui crée. Ça sent le divan du psy. Ça sent les confidences. Le nom de la rétrospective : Tchâm.

Pascale Marthine Tayou aime jouer avec les frontières. Soit directement avec les drapeaux. Une nouvelle série « L’enfer du décor » spécialement conçue pour la rétrospective couvre ainsi les murs d’une salle. Ou bien en mêlant encore une fois les genres. Avec piquant et douceur, le fil rouge de l’exposition selon les organisateurs, la Galliera Continua qui célèbre 25 ans de collaboration avec l’artiste.
Pascale Marthine Tayou en bref
Pascale Marthine Tayou est né en 1966 à Nkongsamba (Cameroun). Il vit entre Yahoundé et Gand. Sa carrière décolle dans les années 90 notamment avec un travail sur le Sida. En 2002 il participe à la Documenta de Kassel et réussit un doublé à la biennale de Venise (2005 et 2009). Depuis il se produit dans les institutions les plus prestigieuses, de la Tate Modern de Londres au MUDAM (Luxembourg).
Craie, verre, paillettes, plastique : des matériaux récurrents

L’architecture de la friche se prête assez bien aux thématiques de l’artiste. Il y a la verdure, le tourbillon de l’eau, pour le côté ruralité. Une installation parle ainsi du village de Pascale Marthine Tayou avec photo géantes de forêts, outils, ustensiles du quotidien, perchoirs à oiseaux, vêtements accrochés sur des panneaux de bois. Une autre, immense sculpture de calebasses, rend hommage à cette plante dont on fait des plats et des objets. Plus loin, une autre installation encore reconstitue un village avec ses maisons fermées et des échelles à la fois usuelles et symbole d’élévation.

Une variante peut-être des « colonnes Pascale » qui se dressent à l’entrée et accompagnent l’artiste depuis toujours. Un empilement de faux vases chinois qui s’élèvent en totems jusqu’à 12 mètres de haut. À la fois fragiles et immémoriels. Un évocation peut-être de Brancusi.
Pour se repérer dans l’univers de Pascale Marthine Tayou, on suit parfois des pavés aux couleurs pastels, celles qu’affectionnent l’artiste. Violence et douceur. Comme les paillettes qui éclaboussent souvent les œuvres, des miroirs sans glace criblés de chiffres (Charcoal) aux vases de calebasse (Astre terrestre). Les paillettes, comme la craie des tableaux, le verre et le cristal des « poupées Pascale », le plastique des installations sont autant de matériaux récurrents au service de thématiques fortes.
Mondialisation et environnement

Pascale Marthine Tayou explore la culture de la mondialisation en jouant avec des matières, des objets qui parlent à tous, partout.
Le plastique en premier lieu. Récupéré ou pas. L’artiste a notamment « planté » des œuvres à Biennale de Venise et à la Gare Saint-Lazare. Ainsi dans Oxygen (2023), des bouteilles sont suspendues aux branches d’un arbre comme les fruits de la surconsommation. Des arbres avec un petit air de Martial Raysse et son arbre ballon de bouteilles. Emblématique du déchet en Afrique de l’Ouest, des dizaines de sacs individuels (fabriqués pour l’occasion) constituent des grands formats ultra colorés. « Ces œuvres sont appelées à disparaître au fil de l’évolution des lois sur l’environnement » précise la Galliera Continua « L’œuvre est déjà une archéologie ».
Transversalité

Pascale Marthine Tayou utilise aussi beaucoup la craie. Symbole de savoir, d’enfance mais aussi d’une culture imposée. Des tableaux faits de centaine de morceaux de craie aux couleurs pastels sont répartis dans l’exposition. On remarque également des diptyques de dessins à la craie derrière des fenêtre de bois. La craie incarne par ailleurs l’éphémère, le mode de production transitoire.
L’artiste s’attache aussi aux objets de mémoire. Comme les « Countdown » qui interrogent le temps qui passe dans l’univers carcéral avec une infinité de chiffres-dates sur les murs et parfois des chaînes au sol.

Pascale Marthine Tayou c’est l’art du détournement comme celui du recyclage et de la transversalité. En lien avec l’exploitation minière, il installe une mine d’extraction de diamants composée de bandes magnétiques. Il détourne les paniers colons, des paniers qui étaient tissés par les Africains pour les Blancs. Il recycle des serviettes-tapisseries où se promènent des esprits, de petits animaux. Un bestiaire qu’il développe dans ses sculptures. Plus ou moins symboliquement. Ainsi un arbre composite avec des masques à oxygène, des bois de cerfs piqués d’œufs renvoie à l’arbre à palabre autant qu’aux esprits (masque de cristal) et à l’asphyxie (masque toujours).

Le verre est très présent. Avec les fameuses poupées de verre, les poupées Pascale. Des poupées vaudoues couvertes de bric à brac. Des tableaux aussi faits de billes.


L’exposition Tchâm s’achève dans les sous-sols où des néons diffusent des messages de joie et d’espoir. L’ultime Confidence de Pascale Marthine Tayou.
INFOS
Tchâm confidences Pascale Marthine Tayou
Galleria Continua / Les Moulins, 77169
01/06/2025 — 21/12/2025
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