Chambord : Pablo Reinoso et l’art des débordements
Chambord : Pablo Reinoso et l’art des débordements .Le créateur franco- argentin déploie une cinquantaine de pièces et 23 nouvelles œuvres dans le château et les jardins. Une exposition toute en racines tentaculaires et rhizomes qui s’étend sur 40 ans de carrière. Un hommage aussi au vivant, à une nature puissante, renaissante, colonisatrice. Suivez la salamandre !
On le connaît notamment pour ses bancs spaghettis. Indéniablement Pablo Reinoso apprécie les extensions, les débordements. Il le confirme à Chambord avec une cinquantaine d’oeuvres fruit d’une résidence de 90 jours. « Francois 1er a vécu 3 mois au Domaine. Comme moi » remarque l’artiste franco-argentin en toute modestie rieuse.
Chambord : château de la Renaissance en mouvement
Pablo Reinoso n’a pas fait déborder son art autour des 32 km d’enceinte de ce palais surgit d’un marais de Sologne en 1519. Il n’est pas intervenu non plus dans les écuries et les aménagements voulus par les rois Bourbon au XVII et XVIIIe siècle. Le plasticien s’est concentré sur les jardins à la française et les lieux mythiques. En premier lieu l’escalier à double révolution inspiré par l’architecture du maître de la renaissance Léonard de Vinci. Il a du par ailleurs s’adapter au travaux qui touchent les façades et les tours de l’édifice. Le château classé au patrimoine mondial de l’UNESCO doit en effet gérer l’augmentation de la fréquentation (400 à 450 OOO visiteurs / an) et la mise aux normes environnementales.
Un art en accord avec l’esprit de Chambord
Chambord est donc en mouvement. Une transformation façon BTP autant qu’artistique. « Nous avons fait le pari de renouveler la vision du monument. Ceci en organisant chaque année des expositions d’art contemporain gratuites à destination d’un public familial» explique Jean d’Haussonville. Et pour le directeur du domaine les créations de Pablo Reinoso matchent avec l’esprit du lieu. « Quand j’ai découvert les Trois Grâces quelque chose m’est apparue. Cet équilibre de bois, de chaleur, cet humanisme collaient avec ce qu’incarnent la Renaissance et Chambord. À savoir une symbolique de renouveau, un cycle de vie lié au vivant, à la nature et en particulier aux rivières et aux forêts ».
Yannick Mercoyrol commissaire de l’exposition partage aussi l’idée de rencontre, de dialogue entre les artistes résidents et l’esthétique des lieux. En 2019, pour les 500 ans de la construction du château, la question des origines s’est de nouveau posée. On parle généralement d’un relais de chasse étendu. Mais ce qui semble indéniable est que l’architecture s’est organisée autour d’un escalier révolutionnaire. « Pablo Reinoso est le premier artiste à investir ce noyau creux du monument, son cœur » précise le commissaire.
Débordements dans les espaces iconiques du château
Intervention prestigieuse mais qui implique de nombreuses contraintes car l’escalier iconique comme le donjon relèvent bien entendu du Centre des monuments nationaux.
L’escalier à double révolution se situe dans le donjon, partie centrale du château. En forme de croix grecque l’édifice comprend quatre faces qui s’ouvrent sur de vastes salles de 9 mètres de large sur 18 mètres de long.
Colonisation « végétale » de l’escalier : hommage au débordement du vivant
L’escalier est une construction magistrale autant qu’énigmatique constituée de deux spirales enroulées l’une au dessus de l’autre. Il est éclairé par ses rampes ajourées et par la lumière des baies des salles.
Les visiteurs sont toujours fascinés par le jeu d’apparition disparition que génère l’escalier. On se croise et soudain on se perd de vue. Génie de l’architecture. Pablo Reinoso, peintre, sculpteur, architecte, désigner a mis ses talents multiples au service de cette magie. Sa création « Respirante », haute de 18 mètres, grimpe sur l’ensemble de l’escalier.
L’oeuvre originale renvoie à la métamorphose de la matière, au flux naturel, toujours en mouvement et prêt à déborder. En bref à l’élan vital de la nature.
On respire avec les yeux cette « Respirante » à l’entrée puis par ses ouvertures. Une pause méditative au rythme des alvéoles qui se gonflent puis se creusent. Un rythme qui semble presque intemporel, immuable. Parenthèse au milieu du flux agité des touristes. Invitation à ralentir.
L’installation comprend une multitude de poches animées par des ventilateurs d’ordinateurs. Un exemple de détournement qui est la marque de fabrique de l’artiste. Comme d’ailleurs la végétalisation. «Respirante » ressemble indéniablement à une colonisation, à un débordement végétal.
De son côté le noir du charbon minéral contraste avec la pierre de tuffeau Le noir, couleur de mystère, de sorcellerie, de fête. Un clin d’œil à l’essence de Chambord : le plaisir. Chambord n’était en effet dédié ni à la résidence ni à la défense mais au plaisir de vivre. Ainsi qu’au prestige car François Ier y recevait pour faire étalage de sa puissance. « Respirante » renvoie également à l’hybridation. Pierre-végétal, pierre-insecte … La science fiction se creuse ainsi une place à Chambord.
Débordements sous le signe de la salamandre
Au deuxième étage Pablo Reinoso expose quelques unes des 23 oeuvres créées pour Chambord. Il a travaillé dans plusieurs directions : peintures, pièces anciennes, détournement, voûtes et cheminées.
De fait la ligne directrice reste comme pour l’escalier une philosophie du détournement en hommage au vivant.
Chambord est marqué du sceau de la salamandre. Si le reptile légendaire était réputé vivre dans les flammes et symbolisait l’esprit du feu il était aussi l’emblème de François 1er. Avec « Feu de tout bois » ou « Nutrisco » Pablo Reinoso imagine de fausses flammes de bois ou de bronze dans de vraies cheminées d’époque et dans ces fausses flammes se glissent des salamandres. Le domaine compte quelques 300 salamandres réparties un peu partout dans le château. En particulier au niveau des voûtes et des plafonds en caisson qui ont fascinés l’artiste.
Réintroduction artistique du vivant : bancs spaguettis, fenêtres débordantes
Une fascination qui pousse Pablo Reinoso à poser ses œuvres emblématiques comme les bancs spaghettis sous les sublimes plafonds. « Les assises colonisent et se colonisent » précise l’artiste. Extension ou revanche du vivant ? Réintroduction artistique peut-être. La charpente du château a nécessité l’abattage de milliers d’arbres. Alors la présence des sculptures peut être vue comme une réintroduction artistique de la végétation. « L’ensemble de mes créations est fait de bois recyclé, d’arbres tombés ou bien de forêts éco-gérées de merisier » assure le créateur.
Les fenêtres entrent dans ce cadre. De plus, avec Les Trois Graces ou Two of Tango, Pabblo Teisino interroge son geste en disciplinant les exubérants entrelacs.
Le travail de réparation mais aussi de dialogue se poursuit avec la série des « Articulations ». Une série qui s’inscrit comme les autres œuvres iconiques dans l’histoire créative du franco -argentin. « Depuis 40 ans je suis fasciné par ce que l’homme peut faire aux matériaux comme avec eux » déclare ainsi l’artiste.
« Articulations » avec son côté orthopédique questionne la persécution du vivant et paradoxalement installe « une sorte d’apesanteur, l’espoir d’un monde plus léger».
Optimisme certes mesuré. « Mer de Charbon » toute en marbre noir sculpté rappelle les catastrophes environnementales resulrant des vidange sauvages et des naufrages de pétroliers. Étendue noire miroitante entourée de charbon et surplombée de petits ventilateurs sombres elle tranche avec le blanc des murs. Ces ventilateurs appartiennent à la collection des « Respirantes ».
Dans les jardins Pablo Reinoso fait son Léonard de Vinci
Le dessin s’insinue aussi dans du l’oeuvre du designer. Une première.
On trouve d’une part les 7 encres de chine exposées sous les plafonds du château. Indéniablement caverneuses et zoomorphes elles suggèrent un débordement contenu, pressurisé.
De l’autre une installation de 45 mètres de haut sur les façades. « J’ai eu un moment d’hyperstress en découvrant les travaux » se souvient le créateur. « Comment réaliser une oeuvre entre les échafaudages et avec les travaux en arrière plan ? ».
Mission délicate mais menée à bien.
« Entrelacs » s’étend ainsi sur la façade du château en une danse de lignes ou de lianes. À la fois sorte de tissage de Parques liant passé et présent. Et geste d’hybridation humain-végétal.
Pablo Reisono parsème également les jardins de créatures tentaculaires ou orthopédiques. Notamment les bancs et les arbres prothèses. « Still Tree » évoque d’emblée un fouet à crème. Cet arbre « augmenté » à la fois familier (ustensile de cuisine ) et inquiétant (créature hybride) trouverait son origine dans une rencontre du designer. Plus précisément la découverte d’un arbre amputé de trois branches après une tempête. Still Tree va ensuite donner naissance à une serie d’arbres hybridés d’acier. Une alerte sur l’urgence climatique
Parmi les œuvres et installations des jardins la pièce maitresse reste incontestablement Revolution végétale. « C’est mon escalier à double révolution personnel » cabotine Pablo Reinoso. Le créateur fait en effet son Leonard de Vinci avec cette oeuvre très métallique qui nous entraîne dans une spirale organique vers un monde imaginaire. . Suivez la salamandre !
INFO
Exposition Débordements Pablo Reinoso
🗓 DATES Du 1er mai au 4 septembre 2022
💶PRIX DES BILLETS
Plein tarif individuel : 14,50 euros (Ticket valable jusqu’au 31/12/2022).
Tarif réduit individuel : 12 euros (uniquement à la billetterie du château).
Entrée gratuite :Pour moins de 18 ans et les 18 – 25 ans ressortissants de l’UE
Y ALLER
🚘 En voiture 2 heures à partir de Paris – Porte d’Orleans
🚞 En train 80 mn à partir de Paris Gare d’Austerlitz direction Blois-Chambord puis navette
🏰🌿Domaine de Chambord https://www.chambord.org/fr/
Jours d’ouverture :
Le château est ouvert toute l’année, sauf le 1er janvier, le 25 décembre et le dernier lundi de novembre.
🕘 Horaires d’ouverture :
• D’avril à octobre : 9h – 18h
• De novembre à mars : 9h – 17h
Fermeture du château à 16h les 24 et 31 décembre
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