Beaux livres photo Hoya santa

Beaux livres photo Hoya santa l’herbe sacrée. Maya Art explore féminité, chamanisme et colonisation à travers un monde foisonnant de clichés et de collages où la nature impose sa loi.

D’où viennent ces deux yeux verts écarquillés et cernés de rouge dans un visage de feuilles ? D’une jungle surréaliste ? C’est un peu l’impression que donne la couverture de ce beau livre signé de l’artiste photographe Maya Art. Un collage qui mêlerait éléments de ce monde et ceux d’un autre.

On ouvre et voilà un visage, de femme cette fois-ci, en noir et blanc surmonté de ces yeux énigmatiques comme les vers, chenilles qui peuplent les feuilles. Plus loin changement radical d’ambiance car voici un texto sur fond bleu sombre. Le survol, de nuit, d’un territoire très peu touristique.

Hoya santa : l’herbe des guérisseuses afro-mexicaines

Hoya santa est le résultat d’une immersion de la photographe chez les femmes de José María Morelos, village afro-mexicain de la Costa Chica à Oaxaca (Mexique). Une nouvelle expérience qui s’inscrit dans l’esprit de ses recherches. L’artiste polonaise installée en Italie voyage en effet beaucoup en Amérique du Sud où elle a effectué plusieurs résidences et projets artistiques. Cette fois-ci elle s’attache à la Costa Chica, peu connue mais bouillonnante de savoirs et d’histoire(s). Autant d’histoires que de récits de femmes avec comme fil rouge la verte Hoya santa, une herbe utilisée dans la cuisine comme dans la médecine et le chamanisme. C’est la Hoya santa et ses nervures, la Hoya santa et ses habitants minuscules, la Hoya santa pressée par des mains de femmes qui habite les photos. Comme le fait la nature omniprésente.

Maya Art arrive au village de José María Morelos après un long périple qui l’épuise. La première chose à faire c’est dormir. La puissance de la nature terrasse. Maya Art raconte sa relation avec Juliana et sa fille Veronica atteinte d’arythmie cardiaque comme plus loin sa rencontre avec une guérisseuse qui la délivre de l’espanto -la frayeur qui emporte un morceau d’âme-. Ou encore ses échanges avec une pêcheuse de crevettes dans un fleuve où rodent les crocodiles. On parle beaucoup de sommeil, de magie, d’enfants, de liberté des femmes, de colonisation …

Art syncrétique et matriciel

Maya Art joue avec les codes et les temps, le profane et le sacré, la nature et la psyché à travers photos, planches-contacts et collages magnifiques et déroutants.

Le noir et blanc alterne avec les couleurs, des oranges feu, des verts primordiaux. Ou bien cohabite avec elles. Comme dans un nu aux agrumes et piment qui célèbre le corps des femmes. Les clichés, peints ou non, vont de l’épure d’un peigne dans une chevelure à la sophistication. Notamment avec un assemblage syncrétique d’images saintes, de cactus, de feuilles chamaniques autour des bras levés d’une vieille femme. Sophistication encore avec une petite fille au milieu d’un entrelacs de plantes aux teintes psychédéliques. Dernière photo et bouquet final.

L’artiste passe du flou envoutant au macro sur des images d’entrailles et de vaches dépecées. C’est brutal, c’est de la chair, des muscles c’est de la vie. C’est aussi un retour aux origines. Maya Art dédie son livre à sa mère et confie qu’il a été pour elle un cheminement. « Le projet initial au sujet des femmes est devenu mon propre cheminement, comme dans La ligne d’ombres de Joseph Conrad, du ventre original au retour à celui-ci. J’ai trouvé de nombreux parallèles avec ma propre vie : les relations entre les femmes et la souffrance ainsi que des notions de féminisme et de dignité. »

L’ouvrage a reçu le Dummy Book Award aux Rencontres d’Arles 2022.

INFOS

Hoya santa

Maciejka Art

Éditions Actes-Sud

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