La maison bleue : BD délicate sur l’expropriation

La maison bleue : BD délicate sur l’expropriation. L’illustratrice américaine Phoebe Wahl nous immerge dans le monde radieux puis cassé de Léo et de son père. Ce récit en images de la précarité célèbre aussi la résilience.

L’album s’ouvre sur une double page où sont plantés trois maisons. Plantées comme des arbres. Une maison blanche, une maison rose et une maison bleue. Celle de Leo, de son père et du chat.
Dans le jardin où framboises, tomates et tournesols s’ouvrent au ciel, où le linge sèche au vent, Léo saute sur un trampoline. Son père qui pousse une brouette, le chat, le linge et le pneu balançoire, tout dans le cadre converge vers Léo. Et Leo sur le trampoline, bras écartés et cheveux fous éclate de bonheur.
L’aquarelle montre une famille monoparentale originale puisque c’est le père qui élève son fils. Un duo heureux.

Mais dès cette première double page se dessine une certaine précarité. L’illustratrice fait pousser de la mousse sur le toit de la maison. Plus symboliquement deux oiseaux s’envolent au loin. Phoebe Wahl, qui écrit également les textes, note « Léo et son papa vivaient dans une vieille maison bleue à côté d’un grand sapin ». Un imparfait signe d’une vie passée.

Une vie d’avant marquée par le sursis qui se confirme à la page suivante  » La peinture s’écaillait (…). Il avait des fuites et des craquements (…). Mais ils étaient chez eux ». En face du texte, Phoebe Wahl dessine une salle de bain où Léo se baigne en écoutant son père lui lire une histoire. Le petit garçon et le chat regardent aussi les gouttes f’eau tomber du toit dans un seau.

L’illustratrice nous fait partager des scènes de vie quotidienne ou éclate la complicité entre le père, le fils et le chat. Malgré la précarité. La famille invente des jeux afin de tromper le froid. Par exemple danser ou cuisiner une tarte aux pommes pour réchauffer la cuisine ou le salon. Les illustrations sont bourrées de détails qui renforcent l’impression de vie et la singularité du monde de Léo et de son père. Ainsi des posters, des tapis, des livres, des albums de musique, des ustensiles de cuisine. Tout ceci installe une atmosphère de bien-être. Quand au trait de l’illustratrice, il fige les personnages dans des moments précis de vie, des instantanées vitaminés par des couleurs chaudes.

Tout s’effondre quand le propriétaire vend la maison et que la petite famille doit déménager.

C’est en pleine nature dans une cabane improvisée près d’un lac que le père de Léo lui annonce la triste nouvelle. Le coup est d’autant plus dur que le cadre est sublime. Phoebe Wahl a grandi dans l’état de Washington près de la terre. On retrouve cette empreinte dans ses dessins. Ce cadre par exemple est une ode à l’eau bleue et jaune dans les tourbillons évoquent Van Gogh. Quant au trait, minimal, un peu naïf, il accentue le sentiment d’injustice.

L’illustratrice américaine peint ensuite les sentiments : la colère, le chagrin de l’arrachement, le travail de deuil.

La maison bleue traite avec une grande délicatesse la coupure brutale que constitue l’arrachement à un lieu aussi intime qu’une maison. Un déchirement qui peut être vécu comme un deuil. Mais l’album est aussi un hymne à l’amour, à la créativité et à la résilience. Loin du misérabilisme comme des jugements.

La maison bleue

Phoebe Wah

Les Édition des éléphants

https://www.les-editions-des-elephants.com

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