Les cent puits de Salaga : roman de femmes d’esclavage et de colonisation

Les cent puits de Salaga : roman de femmes d'esclavage et de colonisation

Les cent puits de Salaga : roman de femmes d’esclavage et de colonisation. Ayesha Harruna Attah crée une fresque visuelle et sonore du Ghana pré-colonial à travers le destin croisé d’une princesse et d’une captive.

Salaga-Ghana : ville prospère et haut lieu du commerce d’esclaves jusqu’à la fin du 19ème siecle. On y lavait les captifs avec l’eau des puits. C’est là que Wurche la fille du roi achète Aminah la paysanne. Ayesha Harruna Attah (1) dresse le portrait de ces femmes aux antipodes de l’échelle sociale mais qui vont, au fil des drames, se rapprocher.

Portrait de guerrières

Aminah, comme Wurche, porte un prénom de reine guerrière. Saugrenu pour une villageoise, fille de paysan cordonnier ? Non car la jeune fille va se battre pour survivre après son rapt, à 15 ans, par les chasseurs-vendeurs d’hommes. Le personnage s’inspire de l’ancêtre esclave de l’autrice.

Wurche, fille chérie du roi de la Salaga, appartient, elle, à une ethnie où les femmes jouissent d’une certaine liberté et d’un pouvoir de décision. Notamment celui de choisir son mari. Un choix qui échappe à Wurche contrainte à un “mariage de raison” qui assure la pérennité du règne paternel. Adieu analyses et stratégies politiques chères à la princesse au caractère affirmé. Dans le clan de l’époux, le pouvoir de la femme se limite au foyer.

Les cent puits de Salaga : roman de femmes d’esclavage et de colonisation

Wurche n’abdique pas. Elle fuit avec son fils et Aminah dont l’esclavage pointe la question délicate de l’asservissement d’Africains par d’autres Africains. Wurche monte des affaires, s’introduit dans les cercles allemands, récolte des informations en tire des conclusions sur les dynamiques de colonisation. Le Ghana pré colonial ressemble à la France féodale. Divisions et alliances de circonstances entre roitelets affaiblissent le pays et facilent la colonisation allemande, anglaise ou française. Wurche prône l’unité et la diplomatie. Personne n’écoute. Les hommes se combattent, les Occidentaux récoltent les fruits des querelles.

Aminah combat sur un mode plus intime. Affranchie, elle imposera sa liberté de vivre et de penser à Moro l’homme qu’elle a choisi d’aimer.

Dépouillement stylistique et de foisonnement de détails

La structure narrative des Cent puits de Salaga alterne les épisodes Aminah et les moments Wurche. Elle obéit au rythme traditionnel : installation de l’intrigue, climax et dénouement.

Le livre relève plus du document fictionné que du roman porté par un style qui reste simple presque basique. Le dépouillement stylistique tranche avec la richesse de détails qui ponctuent le livre et ses événements clefs : l’incendie du village d’Aminah, le calvaire des captifs sur le chemin des marchés, les viols des femmes, l’effondrement de Salaga … La précision des détails dessine également la vie quotidienne dans les palais, les villes et les villages. Le martellement des tambours qui annonce, au début du récit, l’arrivée de la caravane donne une couleur sonore aux Cent puits de Salaga qui bruissent des 1001 sons de la vie et de la mort, des plaisirs et des souffrances.

Ayesha Harruna Attah réussie une fresque visuelle et sonore de la vie dans le nord Ghana pré-colonial. Cette forte présence du quotidien sert les grandes questions portées par le livre et ses deux héroïnes : esclavage, condition féminine, colonisation.
Des problématiques d’actualité que l’autrice aborde avec finesse et sans “schéma directeur”. Ce parti pris original et courageux est à saluer au moment où la menace d’un diktat des ethnics studies pèse sur la pensée.

(1) Ayesha Harruna Attah est une jeune romancière ghanéenne‎ née à Accra de parents journalistes. Elle s’est faite remarquer par de grands titres comme le New York Time Magazine et participe à des anthologies. Les cent puits de Salaga est le résultat d’une enquête de terrain au Ghana et d’un important travail de documentation.

Les cent puits de Salaga : roman de femmes d’esclavage et de colonisation
Les cent puits de Salaga
Ayesha Harruna Attah
Éditions Gaïa
http://www.gaia-editions.com

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