Livre Le rêve du pêcheur Hemley Boum et la puissance des femmes

Livre Le rêve du pêcheur Hemley Boum et la puissance des femmes . Un livre sur la terre, l’héritage, l’exil, l’identité où la poésie chemine avec le réalisme.

Hemley Boum est née à Doula (Cameroun) en 1973. Après des études d’anthropologie et de commerce, elle se tourne vers la littérature. Le rêve du pêcheur est son cinquième roman. Il croise l’histoire d’une famille et celle de la marche du temps. Au Cameroun et en France.

Campo : sud du Cameroun, frontière guinéenne. Zacharias vit de la pêche. Sobrement comme les autres villageois. Sa femme Yalana cultive la terre et ses deux filles, Dorothée et Myriam, vont à l’école. Avec sa plage et sa mer Campo a un petit goût d’éden.

“À l’endroit où le fleuve se précipite dans l’Atlantique, l’eau est ardoise et tumultueuse. Elle s’éclaircit à mesure qu’elle s’éloigne des côtes, en nuances de gris de plus en plus clairs, pour finir par refléter la couleur du ciel, lorsque celui-ci devient le seul horizon.”

Le rêve du pêcheur p 13

Campo est aussi une région forestière. Bénédiction et malédiction. Car sa richesse attire une compagnie qui bouscule l’équilibre ancestral, introduit le goût de l’inutile et du dommageable. Les habitants s’endettent et deviennent esclaves de la société d’exploitation, pas que forestière. La nature trinque également avec la surpêche qui remplace les piroguiers. Plus tard à Douala, Zack, le petit-ils de Zacharias, doit fuir vers Paris. Il devient psychologue, épouse une psychiatre qui donne naissance à des jumelles. Tout va bien alors ? Pas vraiment. Les blessures invisibles se manifestent. L’inconscient est rebelle.

Identité et migrance sociale

Hemley Boum explore les traumas. De l’absence d’amour maternelle au racisme. Un racisme que Zack dénie, préférant s’émerveiller de ce que la France lui donne. Un déni et une volonté de toujours bien faire qui agacent Maëlle, sa petite amie, très impliquée dans la lutte contre les discriminations. Et plus tard sa femme et ses jumelles qui ridiculisent un élève aux rêves de blancheur.

Zack souffre par ailleurs du syndrome du transclasse. Lui qui a grandi dans un taudis de Douala, sans livres mais avec des “tontons” qui “visitaient” sa mère, est perdu dans la culture. Celle qui imprègne le salon des parents de sa petite amie. Alors il lit. Des livres sur la créolité. Mais l’élève parfait a toujours un auteur de retard.

Enfin il porte un héritage qui pèse. Un traumatisme transgénérationnel dont les femmes le délivreront. Notamment celui de la perte. Car son arrière grand-père s’est perdu en mer. Puis son grand-père a perdu ses repères se perdant lui-même. Lui, a perdu son pays. Dans l’exil il doit se composer une identité nouvelle.

La puissance des femmes

La récurrence des prénoms -Zacharias, Dorothée, Julienne- comme la récurrence des traumas -perte, disparition, exploitation- scandent le Rêve du Pêcheur. Lui impriment un rythme cyclique, celui l’éternel retour de la malédiction.

Les femmes brisent cet héritage. À Paris les jumelles combattent les injustices. Au Cameroun mère, grand-mère, amie d’enfance co-gèrent des affaires, deviennent sorcières, réinvestissent le village de Campo, cultivant, composant des sirops. Une résistance à la destruction de l’environnement. Une leçon à l’attention des sbires locaux du néo-colonialisme forestier. Symbolique mais composant essentiel du bouquet final libérateur.

Le Rêve du pêcheur est peut-être l’éternel appel de la mer. Hemley Boum évoque ainsi un conte où les pêcheurs ne rêvaient que de s’unir aux eaux. Peut-être également un rêve d’apaisement avec soi et le monde. Enfin peut-être un rêve d’amour filial comme maternelle. Les mères du livre sont rudes ou déphasées. Les enfants, surtout Zack, en portent les blessures. La cérémonie finale, à la fois combat et réconciliation, marque peut-être la fin d’un rêve et le début d’un autre.

Hemley Boum 2016 Wikipedia

INFOS

Le rêve du pêcheur

Hemley Boum

Éditions Gallimard

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