La déesse et le marchand : Amitav Ghosh met en fable migrations et climat
La déesse et le marchand : Amitav Ghosh met en fable migrations et climat. En suivant le fil d’un conte l’écrivain nous transporte de New-York au Bengale en passant par une Venise où les temps se percutent. Intrigue audacieuse, personnages à facettes, style impeccable, le livre est une fantaisie irrésistible sur les maux du monde.
Les temps sont durs pour Deen vendeur de livres rares à Brooklyn. Pas trop bankable, les antiquités en papier, pas trop blockchainable.
Les temps sont rudes pour les gamins des Sunderbans menacés par la montée des eaux et les trafics.
Quel rapport ?
Lors d’une visite familiale à Kolkata (Bengale-Inde), Deen entend parler d’une légende méconnue.
Lui, l’Indien occidentalo-centré à outrance, urbain mais pas écolo, se plonge d’abord dans le folklore comme un érudit raisonnable allant décrypter une énigme. Mais, comme souvent dans les fables, celui qui croit tenir est en fait tenu. Le mythe de la déesse va faire cavaler ce marchand du 21e siècle sur les traces du marchand du 16e siècle.
Deen se rend donc au sanctuaire de la déesse Manasa dans la forêt de mangroves des Sunderbans à la frontière, très poreuse, entre l’Inde et le Bangladesh.
Il y rencontre Rafi le fils du gardien et son ami Tipu. L’occasion pour Amitav Ghosh de moquer les a priori sur le retard technologique et la méconnaissance des circuits mondialisés des jeunes « autochtones ». L’attardé c’est lui. Le sanctuaire est emporté par les eaux d’un climat qui gronde et les deux ados disparaissent.
Face à cette réalité implacable, l’écrivain introduit le merveilleux.
L’art de la fable d’Amitav Ghosh
Le magique si étranger à Deen va progressivement l’imprégner comme il va subtilement irriguer le roman. Les signes inscrits sur le temple et la révision d’une histoire et d’une sémantique trop sommaires s’emparent du récit.
Le déesse des serpents poursuit le Marchand d’Armes qui refuse de l’honorer. Une ronde folle qui mène à Venise, elle aussi menacée par la montée des eaux. Amitav Gosgh se fait alors enquêteur. Il décrit la réalité de la migration à travers le quotidien de jeunes exilés dont Rafi, le fils du gardien du temple.
Deen retrouve son amie Crista, vénitienne résistante, qui lui ouvre d’autres portes. Les pages sur la cité des doges en sursis sont magistrales. La boucle entre présent et passé se dessine. L’intrigue rebondit. Les frontières entre réalité et magie tanguent de nouveau.
Dans ce livre très réussi du maître indien se profile une leçon. Pourquoi certaines légendes doivent-elles rester orales ? Parce que la fin n’est pas écrite. L’histoire est toujours en marche. Manasa, la déesse des serpents, poursuivra toujours le Marchand d’Armes car elle incarne la nature qui châtie ses infidèles.
La déesse et le marchand
Amitav Ghosh
Éditions Actes Sud
http://www.actes-sud.fr/catalogue/la-deesse-et-le-marchand
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