Glory NoViolet Bulawayo transpose Orwell en Afrique
Glory NoViolet Bulawayo transpose Orwell en Afrique. La ferme des « animals » devient une dictature délirante que le livre fait vibrer d’une oralité somptueuse et survoltée.
L’écrivaine NoViolet Bulawayo (Elizabeth Zandile Tshele) vit et enseigne à San Francisco. Elle a grandi à Bulawayo (Zimbabwe) d’où elle tire son nom de plume. Enseignante en création littéraire, ses livres figurent en bonne place dans les classements. Son premier roman (2013) s’est hissé dans le Man Booker Prize 2013. Glory, le dernier en date, a été finaliste du Booker Prize.
La ferme des animaux version Dijada
Dans Glory, NoViolet Bulawayo revisite la ferme des animaux. Une fable dystopique publiée en 1945 où George Orwell règle son compte au régime soviétique en imaginant une ferme où les animaux se révoltent contre les humains.
NoViolet Bulawayo situe la ferme dans l’État du Jijada qui évoque directement le Zimbabwe de Mugabe. Comme la Vieille Carne du livre, le président dictateur a été en place pendant plusieurs décennies (4O ans pour Robert Mugabe) avant d’être renversé par un coup d’état. Toujours comme la Vieille Carne, Robert Mugabe a été porté par la lutte anti coloniale. Et, encore comme la Vieille Carne, il s’est illustré par une gestion désastreuse de l’économie et une répression sanglante. Glory évoque le Gukurahundi qui, entre 1983 et 1987, a conduit au massacre de 10 000 civils par la 5e brigade du Président.
Ici la 5e brigade est composée de chiens aux crocs acérés et à la violence sadique. La Vieille Carne est un cheval sur le retour comme d’ailleurs celui qui va le renverser. La mémoire et la résistance prennent des voies directes comme les manifestations des Sœurs des Disparus où plus symboliques et oniriques. Ainsi Désirée, jeune chèvre revenue d’exil, invente des modes de protestation politico-artistiques teintés d’animisme et de culte des ancêtres.
Dictature délirante
Glory dépeint une dictature en roue libre. Des dirigeants ultra créatifs dans le culte de l’hyper personnalité. Le nouveau Père de la Nation programme ainsi Siri pour le saluer par une liste aussi longue que ridicule de qualificatifs dithyrambiques. Le nouveau régime est également particulièrement inventif en matière de pillage et de confiscation des ressources On retient notamment les lits des rivières recouverts de marbre pour le bien-être des animals amis du pouvoir. Ou, dans un autre registre, les coupures d’électricité entre 22h et 5 heures du matin. La vie à l’envers. Comme la vie sous la dictature.
Ce qui fait justement tenir cette dictature est la peur. Celle des Gardiens, les chiens féroces. Mais aussi celle issue de la superstition. Le Foulard de la Révolution porté par le nouveau dictateur, un tissu magique aux supers pouvoirs protecteurs, en est l’illustration. Et bien entendu celle du dieu marionnette de l’Église évangélique corrompue.
Face à cette farce meurtrière le salut vient de la disparition de la peur à travers un événement déclencheur et la force de la poésie. L’image d’une nuée infinie de papillons rouges et celle d’un crocodile aux dents qui font désormais rire les enfants résument l’ensemble.
Oralité somptueuse et jubilatoire
Les quelques 400 pages de Glory sont portées par une écriture inspirée. En anglais animaux se dit animals. NoViolet Bulawayo joue avec la langue en mettant en scène des animals, des femals et même des femen femals.
En lisant on entend les personnages parler, crier ou rire.
Il y la langue des dictateurs qui se gargarisent du nom du pays. Le Jidada avec un da et encore un da. Comme une musique à la fois glorieuse et funeste. Ensuite la répétition de slogans ou de fragments de phrases sur des pages entières. Et des expressions, tournures de phrases aussi percutantes qu’imagées. L’ensemble ponctué par une sorte de jiggle : tholukuti.
Ce qui induit une construction rythmée par un texte classique, des flux de mots et des inventions comme les posts dans le monde alternatif des réseaux sociaux. Hashtags à l’appui. Notamment #electionsjustesetlibres.
La ferme des animals de NoViolet Bulawayo allie férocité et poésie dans un texte porté par une imagination autant stylistique que survoltée.
INFOS
Glory
NoViolet Bulawayo
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